05.12.2013

"Financement des PME : pour un Freddie Mac européen!" par H. Morin et F. Wohrer

Tribune parue dans Les Echos.fr

Dans un environnement économique incertain, restaurer la confiance en l’avenir est la première des conditions du retour à l’investissement. La seconde condition est d’agir sur les charges imputées aux entreprises pour renforcer des marges parmi les plus faibles d’Europe. Mais même si ces deux conditions sont atteintes, il restera pour les PME à régler la question de leur financement.

Le gouvernement a proposé de créer un PEA-PME, mais cet instrument s’adresse plutôt à l’élite des PME, notamment les ETI.  Tout reste à faire pour la très grande majorité des PME, et en particulier les TPE, afin de leur faciliter l’accès au crédit bancaire.

La situation est en effet grave : depuis 2007, le stock des crédits bancaires  aux PME a baissé de façon très significative. Le stock de prêts d’un montant inférieur à 1 million d’euros (utilisés comme un indicateur des crédits aux TPE/PME) est ainsi passé de €1000 milliards en 2007 à €700 milliards en 2012 dans la zone euro! Bien sûr, la demande de crédit s’est raréfiée compte tenu de la crise économique mais la baisse de la demande n’explique pas tout.  Même la Banque Centrale Européenne s’en inquiète, en cherchant des outils pour faire bénéficier les PME de sa politique monétaire non conventionnelle.

La facilité pour un gouvernement et les observateurs est de faire des banques et des banquiers les bouc-émissaires de cette situation. C’est oublier un peu vite que la consommation en capital élevée de ce type de prêts, la difficulté de  « liquéfier » ces crédits et, plus généralement, l’ensemble des réglementations prudentielles, transforment l’octroi de crédit aux PME en un véritable sacerdoce !

Il est temps que les Européens se dotent d’une institution qui permette de véritablement relancer le crédit aux PME dans la zone euro en général et en France en particulier, à l’image de Freddie Mac mis en place par les autorités américaines pour le marché hypothécaire dès 1970.

Notre projet est simple : la création d’une institution avec le soutien des gouvernements européens. Rattachée à la BEI, cette nouvelle institution serait une société de droit privé, avec éventuellement (mais pas nécessairement) à son capital les Etats de la zone euro qui le souhaitent. Celle-ci rachèterait aux banques leurs crédits aux PME (notamment les TPE), les « repackagerait » et les revendrait à des investisseurs sous forme de titres que l’on pourrait appeler « SME-Backed-Securities » (ou SBS). Elle aurait vocation à être rentable puisque générant des revenus sous forme de commissions de garantie sur les crédits achetés puis revendus.

Libérer le bilan des banques et accroître l’offre de crédits disponibles pour les PME


Depuis la faillite de Lehman Brothers, le terme « titrisation » est devenu un « gros mot », car associé aux subprimes, « CDO square » et autres aberrations financières. Certains pourraient d’ailleurs faire remarquer que notre proposition est paradoxale, voire provocatrice, car Freddie Mac n’a pas particulièrement bien traversé la crise des subprimes. Cela serait ignorer que, si la technique financière permettant de titriser un crédit hypothécaire ou un crédit aux PME est la même, financer une PME n’a rien de commun avec la « loterie » que constituaient les subprimes.

Les banquiers peuvent se tromper dans leurs projections financières mais ils ne prêtent jamais à une entreprise, petite ou grande, en sachant dès le début qu’elle ne pourra pas rembourser. La nouvelle institution que nous proposons ne pourrait d’ailleurs garantir que des crédits respectant des règles strictes en matière de ratio d’endettement.

Parce qu’elle permet une rotation plus rapide des actifs portés par les banques, la titrisation est bien une technique extrêmement utile au financement de l’économie. Il s’agit d’un instrument financier simple, qui pourrait aujourd’hui favoriser le financement des PME par les banques, tout en permettant à ces dernières de respecter les contraintes imposées par les régulateurs.

Prochaine mise en place d’un véhicule de titrisation en France

L’industrie financière ne s’y est pas trompée, elle qui cherche à établir un label de qualité, avec le soutien actif de la BCE et de la BEI, pour rétablir la confiance dans ce type de produits et planche d’ailleurs actuellement sur la mise en place d’un véhicule de titrisation des créances privées. Ce projet de Place est une initiative à saluer mais, compte tenu de l’ampleur de la tâche, il faut passer à la vitesse supérieure, notamment pour les TPE, et agir au niveau européen.

Il y a consensus sur le fait que l’avenir de la zone euro, et particulièrement de la France, passe par le renforcement de son tissu de PME. A un moment où l’union bancaire se forge enfin, pensons outil européen. La création d’un Freddie Mac européen est un élément clé de la solution.

Hervé Morin

François Wohrer, Directeur Général BBVA France, membre du Comité Directeur des Banques Etrangères de la Fédération Bancaire Française

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