11.05.2011

Discours de François Sauvadet à l’occasion du débat sur l’engagement des moyens militaires français en Libye

Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,
A Benghazi, alors que la communauté internationale n’avait pas encore réagi, le Colonel Kadhafi a eu recours à la force pour mater les aspirations d’un peuple, de son peuple, qui, après plusieurs décennies de servitude, n’aspirait finalement qu’à la démocratie et à la liberté. Il s’agissait ainsi, pour reprendre ses propres mots, de purger la Libye, ville par ville et maison par maison. Il s’agissait également pour lui d’exterminer, purement et simplement, les leaders du conseil national de transition qui s’était constitué quelques jours plus tôt.
La communauté internationale ne pouvait rester en retrait.
Il fallait mettre un terme à ce bain de sang et en cet instant où il nous appartient, conformément à ce que prévoit en pareil cas la Constitution, d’évoquer l’engagement de nos moyens militaires, l’engagement de nos pilotes et de nos marins au secours du peuple libyen, il est une responsabilité que nous avons tous ici en partage, celle de permettre à la France de parler d’une seule voix, de parler de manière claire, ferme et cohérente, de donner à son message toute la force et tout l’écho qu’il mérite sur la scène internationale.
L’unité nationale ne se décrète pas, le rassemblement des forces politiques qui concourent à la vie démocratique de la nation ne va jamais de soi, mais notre histoire est jalonnée de ces moments où nous avons su laisser de coté nos différences parce qu’il s’agit du rôle que la France entend tenir dans l’ordre mondial.
Rares et souvent éphémères, ces moments font, mes chers collègues, l’honneur de notre démocratie et celui de la République.
En cet instant, nous mesurons aussi, mieux que jamais, toute l’étendue de la charge qui pèse sur ceux à qui reviennent la décision publique et l’expression de la volonté nationale. La décision qui a été prise par le Président de la République et le Gouvernement est une décision lourde et responsable, celle d’engager par-delà nos frontières et au service de la liberté la vie d’hommes et de femmes qui ont fait le choix du métier des armes et qui méritent la solidarité, le soutien de la nation toute entière.
Depuis plusieurs mois, nous sommes les témoins de ce qui s’apparente désormais à un véritable printemps des peuples sur la rive sud de la méditerranée en résonnant pour nombre d’entre nous comme un écho du formidable vent de liberté qui soufflait voici plus de 20 ans à l’est de notre continent. Ce mouvement, que nul n’avait pu anticiper ou prédire, dont nul n’avait su lire la force et la profondeur, a ébranlé nos certitudes, celle d’une rive-sud où les régimes autoritaires et les entorses aux libertés individuelles seraient un mal finalement nécessaire car seul à même d’endiguer sur le long terme la montée du fondamentalisme religieux, celle de peuples qui n’aspireraient tout simplement pas à la démocratie au sens où nous l’entendons en Europe.
En Tunisie comme en Égypte, nous avons assisté en à peine quelques semaines, à la chute de régimes en place depuis plusieurs décennies.
En Tunisie comme en Égypte, nous avons, et avec nous l’ensemble de la communauté internationale, soutenu les aspirations de la rue en condamnant avec fermeté l’action des forces de sécurité lorsqu’elles ont eu recours à la violence pour mettre un terme aux manifestations.
Pourtant, en Tunisie comme en Égypte, les autorités militaires ont joué leur rôle en refusant de retourner leurs armes contre leurs propres populations, permettant ainsi d’écarter à Tunis et au Caire la perspective d’un bain de sang.
Tel n’a, mes chers collègues, malheureusement pas été le cas en Libye où, en dépit de nombreuses défections, l’appareil militaire libyen a, dans sa majorité, maintenu son allégeance au pouvoir du Colonel Kadhafi alors que celui-ci ordonnait pourtant de réduire par les armes les différents foyers de contestation qui avaient progressivement gagné le pays.
A mesure que s’intensifiait en Libye la violence de la répression, à mesure que se précisait le recours à des moyens militaires et par là le spectre d’exactions abominables, montait également la réaction quasi-unanime de la communauté internationale : celle de l’Union européenne, qui a fermement condamné le recours à la violence contre la population libyenne dès le Conseil européen extraordinaire du 11 mars, celle de l’Union africaine, qui a également demandé qu’il soit mis un terme à cette répression, celle de la Ligue arabe qui, le 12 mars, en a appelé au Conseil de sécurité pour demander l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne, celle enfin, du Secrétaire général des Nations unies qui, le 16 mars, demandait à son tour un cessez-le-feu.
Ignorant ces appels, ignorant l’avertissement qui lui avait été adressé par la résolution 1970, adoptée à l’unanimité par le Conseil de Sécurité des Nations unies, le régime de Tripoli n’a eu de cesse de persévérer dans la voie, pourtant sans issue, qu’il s’était tracé, celle d’une répression dans le sang des aspirations démocratiques les plus légitimes de son propre peuple.
C’est pourquoi je veux saluer au nom des députés de mon groupe l’action à la fois juste, courageuse et déterminée qui a été celle du Président de la République, la vôtre Monsieur le Premier ministre ainsi que celle du Gouvernement au cours des dernières semaines en encore samedi dernier lors du Sommet de l’Elysée. Aux cotés de ses alliés, du Royaume-Uni et des Etats-Unis, mais aussi du Liban dont le rôle au conseil de Sécurité a été déterminant, la France a permis de traduire en actes les discours, en prenant le parti du droit sur celui de la force, la France a fait honneur à son histoire et la République a fait honneur à ses valeurs.
Le drapeau français, flottant dans les rues de Benghazi, est alors redevenu pour ce peuple le symbole de la liberté, comme il l’a été pour tant d’autres dans l’histoire. 
Ce jour là, j’étais comme beaucoup de mes compatriotes, fier de mon pays. 
Comme je l’ai été Monsieur le Ministre d’Etat quand je vous ai entendu au Conseil de sécurité prononcer cette phrase si tragiquement juste : Prenons garde d’arriver trop tard ! 
Quelques minutes plus tard, le Conseil de sécurité adoptait le texte de la résolution 1973, qui, au-delà d’être un succès pour notre diplomatie, constitue aujourd’hui le support juridique et l’unique feuille de route de l’intervention en Libye de la communauté internationale.
Et je voudrai rappeler les termes du mandat confié à la coalition par les Nations Unies. Après avoir décidé, dans un premier temps marqué par l’adoption de la résolution 1970, d’un embargo sur les armes en provenance ou à destination de la Libye, d’une interdiction de voyager ainsi que d’un gel des avoirs financiers des dirigeants libyens, le Conseil de sécurité a autorisé jeudi dernier les Etats de la coalition à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaques en Libye et notamment à constituer dans le ciel libyen une zone d’exclusion aérienne, tout en écartant explicitement la perspective du déploiement d’une force militaire étrangère, quelle que soit sa composition, sur le sol libyen. Tels sont les termes de la résolution 1973 et avec mon groupe nous ne souhaitons pas que nous nous en écartions.
Alors que quelques jours à peine après le déclenchement des opérations militaires dans le ciel libyen celles-ci portent déjà leurs fruits en contribuant notamment à desserrer l’étau qui menaçait le Conseil national de transition et la population civile retranchés à Benghazi, le volontarisme a, chez plusieurs de nos partenaires, fait place aux doutes, doutes sur les buts de cette intervention, doutes également sur les moyens à mobiliser pour y parvenir, doutes enfin quant à ses répercussions dans le monde arabe.
Il importe à ce stade de rappeler qu’en intervenant dans le ciel libyen, la coalition n’a qu’un seul but : mettre un terme aux exactions dont les forces du Colonel Kadhafi se sont rendues coupables, mettre fin au supplice de la population civile et faciliter par là la prise en compte, dans le cadre d’un processus démocratique, des aspirations légitimes du peuple libyen. Dans cet esprit, il faudra aussi que la coalition soit, à tout instant, en mesure d’exploiter les voies qui s’ouvriraient pour une solution diplomatique.
Pour éviter cependant que l’intervention de la coalition ne soit mal comprise, il nous appartient de tout faire pour que ces opérations ne s’apparentent pas à un affrontement entre l’Occident et le monde arabe. A cet égard, il faudra que nous soyons très attentifs aux positions que prendra la Ligue arabe. Il importe que nous maintenions avec nos partenaires du monde arabe, qu’ils soient ou non engagés dans la coalition, un contact et un dialogue permanents aussi longtemps que durera cette crise. En cela, si l’Alliance atlantique est tôt ou tard appelée à mobiliser sa logistique au service de la coalition, il importe également que cet engagement ne se traduise pas par une impossibilité pour les pays arabes qui souhaiteraient se joindre à nous de le faire.
Permettez également, à l’européen que je suis, de regretter la frilosité de l’Union européenne et je mesure le chemin que l’Europe a encore à accompli sur la voie et la construction d’une politique étrangère commune.
Pour éviter également que cette opération ne voie sa légitimité morale fondre au fil des jours, nos forces armées comme celles de nos alliés se devront de rester sur la stricte ligne de nos objectifs lorsqu’ils engageront des actions sur le terrain : toute victime civile, qu’elle ait ou non servi de bouclier humain à des installations militaires, outre qu’elle serait dramatique, ne manquerait pas de retourner contre la coalition une opinion qui lui est aujourd’hui favorable.
La conduite d’une telle opération implique tout à la fois de la mesure et de la précision. Nous savons aussi que celle-ci est susceptible de s’installer dans la durée, nous devons avoir le courage de le dire et le devoir de nous y préparer.
Monsieur le Premier ministre, Messieurs les Ministres, je voudrai, en conclusion de cette intervention, vous assurer de la confiance et du soutien du groupe Nouveau Centre dans la conduite ces opérations difficiles mais tragiquement nécessaires. La France, c’est son honneur, à décidé de répondre aux appels à l’aide du peuple libyen et notre intervention durera désormais aussi longtemps que le Colonel Kadhafi refusera d’entendre raison en rappelant ses forces et en acceptant les règles de la démocratie.
Je vous remercie.

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