29.04.2014

Programme de stabilité 2014-2017 : discours de Philippe Vigier

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames, Messieurs les Députés,

Le Groupe Union des Démocrates et Indépendants veut croire qu’aujourd’hui une page se tourne définitivement.

Mais cette page, elle ne peut se tourner que si vous portez un regard lucide et exigeant sur les deux années qui viennent de s’écouler.

Revenons en arrière quelques instants : précisément au 6 mai 2012, date de l’élection de François Hollande.

Un enchaînement continu de fautes, d’errements et d’incohérences qui n’ont fait qu’enfoncer le pays un peu plus dans la crise.

Cette majorité, votre majorité, est restée trop longtemps prisonnière des promesses de campagne d’un candidat aveugle face à une crise dont il a refusé de voir l’ampleur. Ce déni de réalité a enlisé la France durablement.

Les premières décisions de l’exécutif et de sa majorité, de votre majorité – Monsieur le Premier Ministre – en sont des manifestations édifiantes.

Chacun a en tête la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et la suppression des allégements de charges pesant sur le travail... Deux attaques massives contre le pouvoir d’achat et la compétitivité, deux péchés originels qui ont conduit le pays dans l’impasse.

Vous avez depuis asphyxié la France d’impôts et mis à l’arrêt l’ensemble des moteurs de l’économie en vous attaquant à des secteurs pourtant vitaux pour l’emploi.

Vous avez enterré la promesse de pause fiscale à plusieurs reprises et fragilisé durablement la confiance des ménages et des entreprises.

Vous avez échoué à inverser la courbe du chômage parce que vous vous êtes accrochés à votre « boîte à outils », censée tout résoudre, et qui s’est avérée inefficace...

Le Groupe UDI n’a d’ailleurs eu de cesse de vous répéter que vous faisiez fausse route.

Jean-Louis BORLOO avait écrit à Jean-Marc AYRAULT pour l’alerter sur les conséquences dramatiques des décisions que vous avez prises en arrivant au pouvoir.

Ces décisions ont mis la France en panne, en panne de confiance, de croissance, de compétitivité, de créations d’emplois. Vous ne nous avez pas entendus !

Monsieur le Premier Ministre,

L’effort de 50 milliards d’euros d’économies que vous présentez aujourd’hui semble enfin poser un premier acte de responsabilité.

Il nous oblige également à dire que l’actuelle majorité n’est pas l’unique responsable de la situation du pays : le dernier budget en équilibre fut voté il y a presque quarante ans.

Depuis, la France a vécu à crédit et nous avons tous contribué à alourdir le fardeau qui pèsera lourdement sur les générations futures.

Et pour ceux qui doutent que le déficit n’est pas un problème... Un seul chiffre : 30 000 euros par habitant, tel est aujourd’hui le poids de la dette, mère de toutes les injustices :

  • celle, d’abord, qui fait supporter à nos enfants le coût d’un modèle social dont ils risquent d’être privés par notre seule responsabilité ; 
  • celle aussi qui touche les plus modestes, les premiers à être fragilisés par la crise. 


Ce programme de stabilité doit constituer un tournant indispensable pour préserver l’avenir. Il doit interroger chacun et chacune d’entre nous sur le sens de son vote. 


Aujourd’hui, la France est confrontée à des choix qui engagent son modèle économique et social pour les prochaines années. 
Face à une économie mondialisée, face à un monde en pleine mutation, offrant de nouvelles opportunités, il est une exigence, celle d’adapter notre pays. 


Nous sommes également regardés par l’Europe qui attend que nous démontrions notre capacité à tenir nos engagements et à garder la maîtrise de notre destin. 


Nous sommes les héritiers d’une Europe de la paix.

Nous devons être les bâtisseurs d’une Europe du progrès au service des peuples. 


Mais nous ne pourrons y parvenir qu’en nous attaquant frontalement à la dette et au déficit. 
Il y a encore quelques semaines, votre majorité – Monsieur le Premier ministre – refusait de regarder cette réalité en face. Elle a conduit le pays dans l’impasse, brisant par là même la confiance que les Français et les Françaises avaient placé en elle. 
C’est pourquoi, ils vous ont durement sanctionné lors des élections municipales. 
Et nous avons d’ailleurs tous en mémoire les déclarations du Président de la République au lendemain de cette défaite :
« J’ai entendu votre message, il est clair [...] Il m’est adressé personnellement. Je dois y répondre ». 


L’heure n’est donc plus à la fuite en avant, l’heure est au courage, Monsieur le Premier ministre. 
Le courage, c’est être habité par la conviction intime que ce n’est pas la survie de votre majorité qui est en jeu, mais c’est celle de la France.


Le courage, c’est d’arrêter de parler seulement à son électorat pour se tourner, enfin, vers tous les Français.


Le courage, c’est de cesser d’ignorer l’ampleur historique des défis qui s’offrent à la France et d’inviter, par la force de la vérité, notre pays à les regarder et à les surmonter.


Jean-Louis BORLOO l’avait dit à votre prédécesseur – Jean-Marc AYRAULT – le 3 juillet 2012 : 

« Nous serons la vigie lucide, indépendante et exigeante de cette législature parce que nous souhaitons d’abord la réussite de la France ». 

Et à c’est à cette exigence que le Groupe UDI a toujours répondu.

Monsieur le Premier ministre, si vous empruntez le chemin du courage, nous répondrons encore et toujours présents.

Nous sommes et demeurerons une opposition constructive et responsable.

Alors, oui, nous saluons cette volonté de vouloir diminuer les dépenses publiques.

Pour autant – et nous prenons date – vous ne ramènerez pas le déficit à 3 % du produit Intérieur Brut en 2015.

Cet objectif est pourtant essentiel car derrière ce chiffre, c’est le coût de la dette qui explose. C’est aussi et surtout la confiance – gage de la croissance – qui est en jeu.

Nous ne vous faisons pas de procès d’intention mais vous ne pourrez pas tenir cet engagement, pour trois raisons :

La première, c’est que les économies annoncées ne seront pas au rendez-vous.

Un seul exemple : dire que les dépenses d’assurance maladie vont diminuer de 10 milliards en trois ans, c’est tout simplement irréaliste car cela représenterait des efforts 5 fois supérieurs à ceux qui ont été réalisés durant ces deux dernières années.

En réalité, monsieur le Premier Ministre, sur les 50 milliards d’économies que vous prévoyez, seulement 30 milliards devraient être effectivement réalisées, dont plus d’un tiers sur le dos des collectivités locales !

La seconde raison, c’est que vous allez engager 30 milliards d’euros de dépenses nouvelles pour donner de l’oxygène aux entreprises et aux ménages. 30 milliards d’économies d’un côté, 30 milliards de dépenses nouvelles de l’autre : c’est une opération blanche pour le déficit !

Enfin, la troisième et dernière raison, c’est que votre programme de stabilité ne prévoit à aucun moment des reformes structurelles, des réformes d’avenir, des réformes en profondeur : vous ne proposez que des demi-mesures, des mesures de court terme, mais qui n’éclairent en rien le long terme et l’avenir de la France.

Vos demi-mesures sont malheureusement l’assurance que les Français se verront infliger une nouvelle cure d'austérité dans les prochaines semaines.

D’où l’exigence d’engager des réformes d’avenir sans délai. C’est votre devoir, c’est notre devoir. Et c’est cela le courage !

Pour le Groupe UDI, nous devons mener cinq chantiers majeurs pour que la France retrouve confiance en elle :

  • Premier chantier : il faut libérer les énergies en réformant l’Etat et notre organisation territoriale. Les questions sont aussi simples qu’essentielles: que doit-on attendre de l’Etat et des territoires ? Comment faire de nos territoires les moteurs de la croissance de demain ?
  • Deuxième chantier: pour garantir l’équité et la justice sociale, il est essentiel de rénover en profondeur notre démocratie sociale. Passons enfin d’un paritarisme de gestion à un paritarisme de négociation.
  • Troisième chantier : remettre la solidarité et la confiance au cœur du lien entre les générations. Vous devez donc dès maintenant reculer l’âge légal de départ à la retraite, augmenter la durée de cotisation, et enclencher un mouvement de convergence entre l’ensemble des régimes existants afin de parvenir à un système unique de retraites.
  • Quatrième chantier : il n’y aura pas de croissance durable sans efficacité énergétique, sans respect des ressources et sans respect de la biodiversité. La croissance verte est un vrai chemin pour notre avenir, un vrai chemin pour nos emplois. La formidable mutation engagée par le Grenelle de l’environnement doit être poursuivie.
  • Cinquième et dernier chantier - le plus beau sans doute - c’est de faire vivre l’énergie formidable de la France, sa capacité éprouvée à sortir plus forte des épreuves, de valoriser ses talents, ses intelligences, et sa force de travail pour préparer notre pays aux mutations économiques.

Oui, « La force d’une Nation est dans sa ressource humaine » comme aime à le dire Jean-Louis BORLOO.

Je vous ai écouté tout à l’heure, Monsieur le Premier ministre. Pourquoi ne pas revenir sur cette décision incompréhensible de diminuer les crédits de l’apprentissage de 800 millions ? Il faut lancer enfin et en urgence un plan massif de développement de l’apprentissage pour apporter une réponse d’ampleur au chômage des jeunes.

Et nous ne pouvons pas nous contenter de votre réforme à la marge de la formation professionnelle. Il faut trouver une solution durable pour qu’il n’y ait plus plusieurs centaines de milliers d’emplois non pourvus chaque année.

Monsieur le Premier Ministre,

Le pacte de responsabilité et de solidarité constitue une opportunité du redressement de notre pays.

L’urgence est absolue. Les mesures en faveur de la compétitivité et du pouvoir d’achat ne peuvent plus attendre. Nous demandons leur application dès le 1er juillet 2014, et non en 2015, et encore moins en 2016 comme vous venez de nous le dire à l’instant.

Car derrière les chiffres du chômage, il y a des usines qui ferment, des drames humains qui se jouent, des familles qui explosent, des vies brisées, des projets qui s’arrêtent du jour au lendemain. La vraie bataille pour l’emploi doit être engagée, maintenant ! Sans délai !

Monsieur le Premier Ministre,

Vous avez tenu à l’instant un discours constructif. Vous avez en face de vous une opposition constructive qui fait preuve, à votre égard, d’une exigence bienveillante.

Nous attendons maintenant que vous donniez du sens à ce programme de stabilité en prenant dès aujourd’hui des engagements clairs accompagnés d’un calendrier précis quant aux réformes d’avenir qui seules permettront de vraies et durables économies. Nous attendons aussi et surtout que face à l’urgence des drames du chômage, vous répondiez par l’urgence de l’action.

C'est à ces seules conditions que le programme de stabilité aurait pu servir pleinement l'intérêt supérieur du pays et c’est en fonction de ces seules considérations que le Groupe UDI se prononce. Nous nous abstiendrons donc majoritairement.

Je vous remercie.

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