25.04.2016

Nuit Debout : que faut-il en penser ? par Jean Dionis

Né en mars, le mouvement « Nuit Debout » a d’abord pris racine à Paris, place de la République. Il se caractérise par des débats permanents à l’intérieur de commissions, quant à elles plus ou moins permanentes (commission éducation, commission « grève générale », etc..) et des actions directement en relation avec les débats en cours.  

Dans sa forme comme dans sa sensibilité politique dominante, ce mouvement ne tombe pas du ciel. Il est clairement l’héritier, le cousin germain des occupations de places espagnoles (Plaza de Catalunya et  Puerta del Sol) qui ont rassemblé plus de 2 millions d’espagnols en mai juin 2011 et qui, au final, déboucha sur la création d’un nouveau parti politique PODEMOS, auteur d’une belle performance électorale lors des dernières élections législatives Espagnoles.

Le mouvement s’étend à la fois en Province et à l’étranger (Montréal, etc…). Il faut donc le prendre au sérieux.

Le prendre au sérieux, c’est donc d’abord le considérer comme un signe, comme un capteur d’opinion publique, comme un symptôme de dysfonctionnement de notre démocratie.

Les participants de Nuit Debout disent à la nation quelque chose de très clair : « Nous ne voulons pas d’une vie politique monopolisée par des professionnels de la politique. Le peuple doit se réapproprier les décisions politiques majeures ».

Idéologiquement, Nuit Debout conteste la démocratie représentative actuelle et propose une démocratie directe faite de mouvements sociaux ayant chacun leur gouvernance directe : les fameuses AG de Nuit Debout.

C’est d’ailleurs sur ce terrain de l’épuisement de notre démocratie représentative actuelle que le mouvement est le plus intéressant. Car la crise de ce modèle issue des Lumières du XVIIIème siècle est réelle. Tous les indicateurs démocratiques sont à l’orange : participation aux élections en baisse, montée électorale des partis populistes, diminution des adhérents des partis politiques, impuissance des politiques publiques à résoudre les principaux problèmes de la société (chômage, insécurité…).

Nuit Debout doit nous inciter à être audacieux en matière de changement de nos pratiques politiques : conseils de quartier avec de réels pouvoirs, évaluation en ligne des différents projets et politiques publiques, pouvoirs renforcés aux assemblées générales d’actionnaires en entreprise…

Nous ne devons pas avoir peur d’ouvrir ce grand chantier de la démocratie du XXIième siècle. Et si Nuit Debout nous stimule dans cette direction, franchement tant mieux.

Ceci dit, Nuit Debout n’ira pas tout droit au paradis. En effet, son observation depuis plus d’un mois met en évidence deux faiblesses fondamentales :

La première, c’est clairement le refus du débat contradictoire. Jour après jour, il devient clair que Nuit Debout refuse pour l’essentiel d’entendre  des personnes ayant des convictions contraires à la sensibilité dominante du mouvement. L’expulsion du philosophe Alain Finkelkraut, la perturbation de la conférence du leader frontiste Florian Philippot à l’ESCP de Paris et la présence en son sein d’éléments violents venant de l’Ultragauche marquent bien cette dérive sectaire de Nuit Debout. Or cette affaire est centrale : pas de démocratie véritable sans une recherche permanente de la vérité, et pas de recherche sincère de la vérité sans débat contradictoire. Nuit Debout doit régler une fois pour toutes ce problème avec la violence et le débat contradictoire, sinon dans peu de temps il rejoindra la liste déjà longue des groupuscules sectaires.

Mais, il y a, à mon humble avis, une deuxième faiblesse encore plus rédhibitoire. En effet, le fond du discours socio-économique de Nuit Debout vient d’une gauche complètement archaïque. Passer des nuits à parler de grève générale dans un pays où le taux de syndicalisation est en dessous de 10%, celui des chômeurs est quant à lui nettement au dessus de 10%, et où 43% des 16-19 ans veulent devenir des travailleurs indépendants (IFOP, juillet 2015), ça fait quand même férocement penser aux théologiens byzantins en train de discuter du sexe des anges alors que les envahisseurs ottomans prenaient d’assaut les remparts de Constantinople.  Là encore, si Nuit Debout ne s’ouvre pas à d’autres courants de pensée autrement plus adaptés à la société dans laquelle nous vivons, il y a fort à penser que, dans quelques mois, voir dans quelques semaines, ils n’intéresseront plus grand monde.

Vrai symptôme d’une crise profonde de la démocratie représentative, Nuit Debout, pour le moment, ne nous a rien apporté de neuf et d’efficace sur les remèdes à mettre en œuvre aujourd’hui dans la France de 2016. A partir de ce constat simple, la vigilance s’impose, pour nous centristes, quant aux dérives possibles de ce mouvement.

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