06.06.2016

Loi Sapin 2 : intervention de Charles de Courson

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour débattre d’un projet de loi qui s’apparente à un texte quelque peu fourre-tout et qui aurait pu, à ce titre, s’intituler tout simplement « projet de loi portant diverses dispositions d’ordre social, économique et financier ».

Mal rédigé dans sa version initiale, traitant de sujets aussi divers que variés, il n’est rien d’autre que la triste illustration de l’absence de cap du Gouvernement qui, refusant d’accorder à Emmanuel Macron un nouveau projet de loi, a préféré compiler dans celui-ci, sans aucune cohérence, des mesures n’ayant aucun lien entre elles.

Malgré ces critiques de forme et même si ce texte est très loin de répondre aux grands défis que doit relever notre pays, les différentes dispositions qu’il comporte vont globalement dans le bon sens. Le groupe UDI est notamment favorable au renforcement des mesures de lutte contre la corruption ; il est ainsi nécessaire de mettre en place un système de contrôle interne au sein des grandes entreprises.

Bien entendu, des améliorations mériteraient d’être apportées, notamment concernant la création de l’Agence anticorruption dont la définition répond à celle d’une autorité administrative indépendante et qui, d’ailleurs, aurait pu être mise en place par un simple décret.

S’agissant des lanceurs d’alerte, le travail effectué en commission des lois a permis de donner une meilleure lisibilité au dispositif. Nous devrions néanmoins réfléchir aux moyens de mieux concilier cette protection des lanceurs d’alerte avec le devoir de loyauté et de discrétion des salariés.

Nous considérons en revanche que les mesures relatives aux représentants d’intérêts – les lobbyistes – relèvent largement de l’affichage et ne permettront pas d’améliorer véritablement un système qui devrait gagner en transparence.

Le texte exclut par exemple de son champ, de façon inexpliquée, les élus dans l’exercice de leur mandat, les partis et groupements politiques et les organisations syndicales de salariés. Les députés du groupe UDI ont d’ailleurs déposé des amendements afin de donner à ce dispositif davantage de cohérence et d’élargir le champ des personnes concernées, ce qui, hélas, n’a été que partiellement obtenu.

Sur un sujet différent, nous avons été très déçus de la manière très ponctuelle dont le texte traite de l’agriculture et de l’artisanat, sujets pourtant cruciaux pour la vie économique de notre pays. Sous l’impulsion de notre collègue Thierry Benoit, le groupe UDI a fait le choix de déposer de nombreux amendements pour tenter de faire évoluer ce texte ; je note d’ailleurs que la présidente de la commission des affaires économiques a trouvé certaines de ces propositions assez utiles.

Ainsi, alors que le ministre de l’agriculture avait annoncé une quasi-refonte de la LME – loi de modernisation de l’économie – de 2008 afin, notamment, de mieux équilibrer les relations commerciales entre les différents acteurs de la chaîne agroalimentaire, seuls deux maigres articles figurent dans ce projet de loi.

Nous déplorons vivement que rien n’ait été prévu pour aider certains de nos agriculteurs, en particulier les éleveurs, à sortir de l’impasse économique dans laquelle ils se trouvent depuis plusieurs mois maintenant.

Si le ministre de l’agriculture ne cesse de parler de plans d’urgence, il n’hésite pourtant pas à décaler systématiquement la mise en œuvre des mesures. L’été dernier, il nous annonçait des dispositions dans le projet de loi de finances ; puis, lors de l’examen de celui-ci, il nous a assuré que le projet de loi de finances rectificative contiendrait des mesures ambitieuses ; enfin, lors de l’examen du PLFR, il nous a été indiqué que la loi « Sapin II » serait le véhicule législatif idoine pour revoir les relations commerciales. Or ce n’est nullement le cas : le groupe UDI a donc déposé de nombreux amendements pour y remédier.

Les principales mesures que nous avons défendues en commission et que nous défendrons en séance publique sont les suivantes : prévoir une première phase de négociations entre producteurs et industriels, précédant l’envoi des conditions générales de vente aux distributeurs ; inscrire dans les contrats de vente des clauses de révision faisant référence à des indices ou à des indicateurs publics de coûts de production et de marges ; donner davantage de pouvoirs à l’Observatoire de la formation des prix et des marges – avec la remise d’une rapport tous les six mois et une analyse comparative de la répartition des marges dans les pays de l’Union européenne – ; autoriser le déclenchement automatique des renégociations entre fournisseurs et distributeurs dès lors que les indicateurs de l’observatoire divergent ; interdire le logo « Transformé en France » ; permettre à l’Autorité de la concurrence de fixer un pourcentage maximum de parts de marché applicable aux groupements d’achats.

En effet, les centrales d’achat se sont concentrées et forment aujourd’hui un oligopole ; il en est de même, d’ailleurs, dans certaines filières de l’agroalimentaire. Or la concurrence n’est pas à géométrie variable. Il convient donc de redonner de véritables pouvoirs à l’Autorité. Cela passe par un contrôle et une dénonciation des situations de cartellisation et d’ultraconcentration des marchés. Nous espérons que le rapporteur, qui, nous le savons, partage en grande partie notre constat, ne restera pas sourd à nos propositions.

Concernant l’artisanat, nous nous félicitons des avancées obtenues lors de l’examen du texte en commission. Ainsi, le stage de préparation à l’installation devra être effectué dans un délai de soixante jours après la demande d’immatriculation. En outre, nous n’étions pas favorables à l’extension des dispenses aux SPI : celles-ci sont à présent mieux encadrées, à la suite du vote de certains amendements.

Nous soutenons également les évolutions concernant les qualifications, qui permettent de prendre davantage en compte les organisations professionnelles. Nous restons néanmoins vigilants quant à l’avenir de certaines professions, par exemple celle des ramoneurs, qui pourraient être dévalorisées.

Par ailleurs, je dirai un mot des articles pour lesquels la commission des finances est saisie pour avis, qui recouvrent des sujets d’une grande diversité, allant du renforcement de la régulation financière à la protection des consommateurs en matière financière, en passant par le financement des entreprises ou encore la modernisation de la vie économique et financière.

Il s’agit tout d’abord de transposer en droit français plusieurs textes européens traitant de la répression des abus de marché, des comptes de paiement ou encore des services de paiement dans le marché intérieur.

Le groupe UDI regrette que, sur ces sujets très importants, bien que très techniques, un véritable débat n’ait pas été engagé au sein de la représentation nationale. En effet, ces transpositions sont le fruit d’un travail considérable au niveau européen et reflètent plusieurs mois de travail, voire plusieurs années sur certains thèmes. La rapidité avec laquelle elles sont examinées au niveau national est choquante au regard de notre engagement européen.

À travers ce projet de loi, le Gouvernement demande également l’autorisation de prendre de nombreuses ordonnances dans des domaines tels que le financement de la dette des entreprises ou encore des prestataires de services d’investissement. Or le projet de loi n’encadre pas suffisamment l’action de l’exécutif.

C’est pourquoi nous demanderons au Gouvernement de ne pas se substituer à la représentation nationale et d’associer les parlementaires aux groupes de travail qui élaboreront certaines ordonnances. L’expression du Parlement, qui n’intervient qu’au stade de la ratification, est en effet insuffisante. Chacun sait que les ratifications ne donnent pratiquement jamais lieu à un dépôt d’amendements alors que, juridiquement, on pourrait parfaitement le faire. Nous regrettons que le Gouvernement demande aux parlementaires de se démunir d’un pouvoir qui est pourtant le leur.

Enfin, plusieurs dispositions visent à étendre les compétences de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Ces entités étant des acteurs essentiels de la régulation financière, nous soutenons le renforcement de leurs prérogatives afin de sécuriser davantage le système financier et donc les consommateurs.

Mes chers collègues, si le groupe UDI déplore l’absence totale de vision politique et d’ambition de ce projet de loi, nous ne nous opposerons pas aux quelques mesures intéressantes, quoique souvent insuffisantes, qu’il contient.

Nous espérons toutefois que le Gouvernement sera ouvert à nos propositions ambitieuses, de même que nos collègues parlementaires car, jusqu’à preuve du contraire, ce sont eux qui votent, et non le Gouvernement. C’est sur la base des résultats des travaux de notre assemblée que le groupe UDI déterminera sa position finale.

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