27.03.2020

Hervé Morin : "L'heure n'est pas à la polémique, mais à la solidarité nationale."

Dans un long entretien accordé au magazine Le Point, Hervé Morin rappelle à quel point les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel dans la gestion de cette crise. A l'exemple de la Région Normandie et des dispositifs mis en oeuvre. Le président Les Centristes et co-fondateur de Territoires ! nous livre son analyse sur les conséquences de cette crise sanitaire et économique mondiale.

ENTRETIEN. Propos recueillis par Jérôme Béglé.

 

Le Point : Les Parisiens se sont-ils massivement installés en Normandie pour y passer la période de confinement ?

Hervé Morin : C'est difficile d'avoir un chiffre précis, mais une grande partie des résidences secondaires ont été investies par leurs propriétaires. Des locations ont été rouvertes. Les trains vers la Normandie étaient bondés dans les jours qui ont précédé le confinement.

>> Cette transhumance est-elle terminée ?

Pas encore, même si elle s'atténue beaucoup. La SNCF nous a indiqué, alors que nous réduisions considérablement notre plan de transport ferroviaire pour nous mettre en adéquation avec la crise, que le solde entre les départs du matin de Normandie et les retours du soir de Paris était de près de 300 personnes en début de semaine.

 

"J'ai proposé aux hôpitaux d'ouvrir les internats des lycées pour héberger les soignants."

 

>> Cette migration massive peut-elle mettre les hôpitaux normands sous tension ?

Je n'ai bien entendu pas accès à l'origine des malades hospitalisés dans les hôpitaux normands. Ce que je sais, c'est qu'en Normandie, qui était jusqu'alors peu impactée par le Covid-19, la croissance des personnes admises en réanimation est extrêmement forte depuis 48 heures. De là à dire que c'est de la responsabilité des Parisiens, ce serait faire une erreur.

>> Que peut faire un président de région dans le contexte actuel ?

Les régions ont fait le choix, dès les premières heures de la crise, de mettre leur force de frappe et leur réactivité à la disposition de l'effort de solidarité nationale dans nos champs de compétence.

La Normandie va donc participer au fonds de solidarité nationale, qui sera doté de 1 milliard d'euros (dont 250 millions d'euros pour l'ensemble des régions), pour soutenir les TPE et indépendants. Ce fonds n'est pas totalement satisfaisant dans ses critères d'intervention qui ont été imposés par le gouvernement. C'est pourquoi j'ai décidé de créer un fonds de solidarité normand qui a vocation à pallier les manques de ce dispositif national. Par ailleurs, j'ai développé plusieurs outils spécifiques pour aider les entreprises à mieux rebondir : des prêts de trésorerie, des facilitations en matière de garantie, une suspension de six mois pour toutes les entreprises devant des mensualités à la région dans le cadre des dispositifs de soutien à l'investissement… D'autres outils vont être proposés dans les prochains jours.

J'ai demandé à mes services de payer le plus rapidement possible tous nos fournisseurs, de régler les transporteurs qui assurent le transport scolaire et interurbain, alors même que le service n'est plus fait. J'ai également écrit à tous les maires et présidents d'intercommunalités de Normandie en leur demandant de régler toutes leurs factures le plus rapidement possible.

Dans une région qui avait des résultats économiques nettement meilleurs que la moyenne nationale depuis trois ans grâce à un écosystème reconnu comme très favorable par tous les acteurs, mon obsession est que le plus grand nombre de nos entreprises soient encore en vie à la fin de la crise.

J'ai donc décidé de réaffecter toutes les non-dépenses liées à la crise vers l'économie normande. Soixante-dix millions d'euros seront donc dédiés pour soutenir les entreprises, associations, indépendants.

Par ailleurs, j'ai proposé aux hôpitaux d'ouvrir les internats des lycées pour héberger les soignants, mais également de donner la gratuité des transports aux soignants et au personnel du commerce de l'alimentaire, par exemple, dont le courage est remarquable.

 >> Les dégâts économiques de la crise vous semblent-ils insurmontables ?

Les chefs d'entreprise, les commerçants, les agriculteurs vivent un cauchemar. Car ils appréhendent progressivement la profondeur et la violence du choc. Tout le monde découvre à quel point l'interdépendance des filières économiques est considérable, et pas seulement avec la Chine. Chaque faiblesse dans la chaîne de production se fait terriblement sentir : quand des entreprises du bâtiment veulent repartir, elles n'ont pas de fournitures. Quand le commerce veut s'approvisionner, la logistique commence à faire défaut. Sans parler des sous-traitants de deuxième ou de troisième rang, qui se sont retrouvés, du jour au lendemain, face aux grands donneurs d'ordres qui avaient immédiatement fermé boutique.

Il faut donc un maximum de solidarité non seulement au sein des filières, qui s'exprime notamment par des décisions concertées et communes, mais aussi entre les filières elles-mêmes. Cela fait partie du boulot des régions. Tout faire pour que le tissu économique ne soit pas profondément dégradé et, d'ores et déjà, penser aux mesures nécessaires au moment où la crise sanitaire sera derrière nous. Ce qui veut dire, pour les régions comme pour l'État, avoir encore des capacités financières pour soutenir la reprise.

>> Diriez-vous que, dans cette crise sanitaire, les collectivités locales suppléent aux déficiences de l'État ?

C'est bien entendu le rôle de l'État de définir et de conduire la politique sanitaire du pays. Mais on oublie trop le rôle fondamental des maires au quotidien, qui tous les jours font en sorte que les services publics essentiels continuent à fonctionner, débrouillent les mille et une difficultés du quotidien et veillent autant que possible à assurer la sécurité de leurs administrés. Ils organisent aussi les petites solidarités humaines si importantes dans ces périodes. Bien sûr, les régions et les départements jouent leur rôle dans leurs secteurs de compétences, mais les collectivités locales sont souvent allées bien au-delà de leurs prérogatives fixées par la loi en ouvrant grand leur boîte à outils pour trouver mille solutions.

On voit bien que, sur le champ sanitaire, où les carences sont patentes notamment en matériel de santé, dès que l'État a levé l'interdiction d'acheter ces matériels, les collectivités ont commandé massivement et immédiatement pour soutenir nos soignants.

 

"Onze régions ont ainsi commandé, dès ce week-end, plus de 51 millions de masques 
qu'elles mettront, dès livraison, à la disposition des services de santé et des Ehpad."

 

>> L'inquiétude grandit quant aux personnes âgées confinées dans les Ehpad. A-t-on raison de craindre le pire ?

Nous avons tous un membre de notre famille dans un Ehpad et l'interdiction – légitime – des visites est déjà difficile à vivre. Les cris d'alarme des directeurs d'Ehpad sur la faiblesse de leurs moyens pour assurer leurs missions sont terribles et doivent être entendus. Il faut absolument améliorer leurs moyens urgemment afin d'éviter une hécatombe.

>> À ce stade, comment jugez-vous les initiatives du gouvernement et sa façon de gérer la crise ?

L'heure n'est pas à la polémique, mais à la solidarité nationale. Nous verrons cela plus tard. Il y a en effet des questions légitimes auxquelles les Français seront en droit d'avoir des réponses, comme la question du matériel sanitaire ou celle sur l'insuffisance de réactifs et d'écouvillons ne permettant pas de tester massivement la population comme l'OMS le préconise.

Source : Le Point. Pour lire l'entretien directement sur le site du Point, ► Cliquez ici

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