27.11.2018

Hervé Morin : "Les Français ne sont pas des ringards."

 

Retrouvez l'interview qu'Hervé Morin a accordée au magazine Le Figaro sur son analyse de la crise des gilets jaunes !

 

LE FIGARO. - Comment le gouvernement peut-il sortir de cette crise des «gilets jaunes» ?

Hervé MORIN. - Il faut avoir le courage de revenir sur des décisions. Continuer à nier l'ampleur de la fracture sociale et territoriale est une impasse. Quand les ministres Castaner et Darmanin nient l'évidence et évoquent le fascisme de 1934 ou la peste brune, ils continuent, de manière irresponsable, à créer les conditions d'une solution impossible. À moins - ce dont on peut douter - d'user d'un incroyable cynisme consistant à créer les conditions d'un dialogue exclusif entre le pouvoir et le Rassemblement national pour se sortir de l'embarras politique dans lequel ils sont. La compréhension, la reconnaissance des difficultés et le respect sont les clefs du dialogue. Même si l'incendie s'éteint à l'approche de Noël, la crise risque de se réveiller en janvier avec l'application des taxes. Il faut suspendre cette hausse.

 

Vous invitez l'exécutif à renoncer à ces hausses de taxes mais avec quel message peut-il le faire ?

Nous sommes dans le domaine du symbole. Le gouvernement doit dire qu'il comprend cette colère, qu'il ne renonce pas à la constitution d'une fiscalité indispensable pour accompagner la transition énergétique mais qu'il se donne le temps de poser les choses. Les Français ne sont pas des ringards fonctionnant au diesel et au tabac! Ils savent que l'automobile est concernée à moins de 15% dans le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, alors que l'habitat représente 40% de la consommation d'énergie !

Qu'attendez-vous des nouvelles propositions qu'Emmanuel Macron devrait dévoiler ce mardi, en matière d'énergie ?

Que ces propositions s'appuient sur nos compétences. Les régions sont des collectivités de proximité ancrées à la fois sur des espaces métropolitains disposant de transports collectifs importants et des espaces ruraux éloignés de tout. Si l'État nous en donne les moyens, nous sommes prêts à participer à la réparation du tissu de la France. Nous pouvons le faire dans le cadre d'un dialogue avec les «gilets jaunes». Nous soutenons déjà des solutions de long terme (hydrogène, photovoltaïque, véhicules électriques, trains Intercités abandonnés puis repris par les régions…) mais celles-ci ne peuvent pas répondre à l'urgence du moment.

L'État doit relancer massivement la rénovation énergétique du logement, les régions le font aussi. Nous pouvons probablement agir sur les tarifs des cartes grises en fonction du caractère plus ou moins polluant des véhicules. L'État doit aussi être au rendez-vous du contrat de plan, tant sur le volet routier que ferroviaire. Une mesure sociale s'impose enfin pour les foyers les plus modestes, notamment en milieu rural. La hausse des carburants les frappe de plein fouet.

 

De telles mesures ne risquent-elles pas de peser sur le budget de l'État ?

Quand un pays traverse une crise de cette ampleur, les solutions s'imposent. Si nous flirtons avec les 3 % de déficit, cela est aussi lié à un arbitrage gouvernemental ayant engagé, en même temps, le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) et la baisse des cotisations sociales. Même quand ils gagnent, les gouvernements sortent toujours essorés des conflits très lourds. Ce qui se joue aujourd'hui, c'est la capacité de l'exécutif à réformer pendant encore trois ans. Sinon, le quinquennat est mort.

J'observe que, d'ores et déjà, les péages urbains et la taxe poids lourds ont été supprimés. Les deux mesures les plus compliquées à vendre prévues dans la loi mobilités ont donc disparu. Renoncer, c'est se donner une chance de pouvoir continuer. Les régions sont prêtes à être des acteurs majeurs de la solution pour mettre un terme à cette jacquerie. Nous pouvons prendre notre part dans la réparation du pays et être des forces de médiation.

 

Au-delà des fractures que vous observez, comment jugez-vous la crise entre le Sénat et le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin ?

Après la délation administrative (la diffusion d'une liste de villes ayant augmenté la taxe d'habitation et l'attaque #balancetonmaire), le ministre du Budget dénonce les élus locaux une fois encore sur Twitter, alors que les maires ne comptent pas leur temps et sont, dans les petites communes, les derniers visages du service public. Cela est tout simplement indigne. On comprend alors que plus d'un maire sur deux ne souhaite plus se représenter. À l'évidence, Gérald Darmanin n'entend pas les messages des territoires. 

 

Source : Le Figaro

 

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