01.06.2018

Finances de l’Assemblée nationale: Philippe Vigier, un député trop curieux ?

(Extrait du Journal L'Opinion du vendredi 1er juin 2018)

Le député d’Eure-et-Loir, rapporteur spécial de la commission d’évaluation des politiques publiques, a dénoncé jeudi l’opacité qui règne sur l’utilisation du budget de l’Assemblée nationale.

Le député (UDI) Philippe Vigier a créé la surprise, jeudi, en réunion de la commission d’évaluation des politiques publiques. Chargé de la mission «Pouvoirs publics » au sein de la commission d’évaluation des politiques publiques, le député d’Eure-et-Loir s’est plaint, devant un membre du gouvernement qui n’en peut mais (Christophe Castaner), de ne pas avoir accès à certains documents de… l’Assemblée nationale.

En tant que rapporteur spécial, la mission de Philippe Vigier consiste à s’assurer de la bonne utilisation des deniers publics au sein d’un certain nombre d’institutions : la présidence de la République, le Conseil constitutionnel et le Parlement. Or, si l’Elysée d’Emmanuel Macron lui a ouvert ses comptes, si le Conseil constitutionnel de Laurent Fabius s’est montré tout aussi coopératif, si même le Sénat – réputé pour ne pas apprécier que les députés mettent leur nez dans ses affaires — lui a fait bon accueil, à l’Assemblée nationale en revanche, le député affirme s’être « heurté à un mur ».

Devant la commission des Finances, Philippe Vigier raconte avoir voulu effectuer, le 17 janvier, un « contrôle sur pièces et sur place » dans les locaux du 233 boulevard Saint-Germain, où se trouve le service de la logistique parlementaire. Il demandait, précise-t-il, « la liste des quarante premiers traitements de fonctionnaires ou de contractuels », « la liste des logements de fonction », « les modalités de calcul des primes des fonctionnaires, leur régime de congés, leur temps de travail ; l’existence ou non d’un compte épargne-temps », « la rémunération du déontologue de l’Assemblée nationale, la nature et le coût des moyens qui lui sont attribués », « la liste des dix voyages ou déplacements les plus coûteux en 2017 », « la liste des dix réceptions et événements les plus coûteux en 2017 », « la liste détaillée et chiffrée des appartements accordés aux questeurs – véhicules, appartements de fonction, personnel — et l’utilisation de ces moyens en 2017, avec notamment le taux d’occupation des appartements de fonction », une « note sur le fonctionnement de l’association pour la gestion des restaurants administratifs de l’Assemblée nationale », la « liste des dix premiers contrats de prestataires » et des « éléments sur la négociation du prix d’achat et l’évaluation du prix des travaux de l’hôtel de Broglie », situé rue Saint-Dominique, près de l’Assemblée, acquis en 2016.

Imprécision. Philippe Vigier affirme n’avoir reçu, « plus d’un mois plus tard », que des réponses d’une « très grande imprécision ». Il a donc envoyé aux questeurs, le 13 mars, une nouvelle liste de questions « plus détaillées ». Sa demande n’a « à ce jour pas reçu de réponse, malgré une relance le 17 avril », assure-t-il. « Je me heurte à une volonté d’obstruction parfaitement scandaleuse », a-t-il dénoncé jeudi, devant la commission des finances.

« Il n’est pas normal que les députés ne puissent avoir accès à ces documents, alors qu’ils se retrouvent dans la presse le plus souvent, a-t-il déploré. C’est la première fois qu’on m’oppose une telle obstruction ». Le rapporteur spécial a mis en cause, au cours de son intervention, « les responsables administratifs de l’Assemblée », accusés de « violer sciemment le texte organique, la LOLF, qui définit les pouvoirs du Parlement en matière budgétaire ».

Manifestement gêné, le rapporteur général, Joël Giraud, n’a pas voulu relayer l’accusation, invoquant la « séparation des pouvoirs ». Quant au représentant du gouvernement Christophe Castaner, guère concerné par cette mise en cause, il a écouté siffler les balles.

Alors que François de Rugy est en voyage officiel au Japon, son cabinet assure à l’Opinion qu’« il a été répondu de manière détaillée à chacune des demandes » de Philippe Vigier, renvoyant, pour plus d’informations, vers le collège des questeurs. Où l’on confirme qu’une première réponse a été adressée au rapporteur spécial le 22 février.

Suite au deuxième courrier de Philippe Vigier, les questeurs ont saisi le président de l’Assemblée, François de Rugy, sur la question des prérogatives du rapporteur spécial. En effet, la commission d’apurement des comptes, instance collégiale, est chargée, au sein de l’Assemblée, de traiter les données budgétaires auxquelles le rapporteur spécial souhaitait avoir accès. « La démarche du rapporteur spécial ne vient-elle pas contrecarrer la mission de la commission d’apurement ? s’interroge-t-on à la questure. Ses questions sont très intrusives, ce sont des données confidentielles, qui n’ont pas à se retrouver sur la place publique ».

Ainsi, à la question sur les quarante premiers traitements de fonctionnaires ou de contractuels, a-t-il été communiqué à Philippe Vigier la liste des quarante plus hauts grades (secrétaire général, directeur général, directeur de service, conseiller hors classe, etc.), et le traitement indiciaire correspondant. Là où le député réclamait la fonction et la mission de chacune de ces personnes. Alors que la tension est très forte, dans les services de l’Assemblée, depuis qu’a été lancée la réforme de la fonction publique parlementaire, il a été jugé préférable de ne pas livrer en pâture les rémunérations des plus hauts fonctionnaires de la maison.

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