07.09.2013

Fête de la pomme 2013 : discours d'Hervé Morin

Chers amis,

Bienvenue à tous ici en Normandie pour cette petite fête et surtout bonne rentrée à tous. Bienvenue et merci car je sais à quel point ces week-ends de rentrée sont chargés en sollicitations familiales.

Merci aussi évidemment et bravo aux organisateurs.

J’espère que vous avez tous passé de bonnes vacances, que vous êtes bien reposés et que vous êtes d’attaque pour cette rentrée. Du côté du gouvernement et des ministres je ne suis pas certain que ce soit la même chose.

Vous vous souvenez, mi juillet, on leur avait donné pour consigne de ne pas trop s’éloigner, de rester toujours disponibles et de travailler leurs dossiers. En vérité, moi je les ai surtout vus se taper dessus. Normalement, vous savez, dans les journaux de l’été, on a toujours des petits tests du genre êtes-vous plutôt Beatles ou Rolling Stones, Porsche ou Ferrari, Swatch ou Rolex, et bien là c’était plutôt êtes-vous Taubira ou Valls.

Je crois que l’année prochaine, Hollande fera l’inverse. Il leur dira « écoutez, faites-moi plaisir, allez passer vos vacances le plus loin possible, dans des zones où on ne peut pas capter, pas parler, pas twittter. Valls aux Kerguelen, Montebourg aux Marquises, Duflot aux îles Gambier et Taubira, chez elle en Guyane. « Partez le plus loin possible et surtout ne vous pressez pas pour rentrer », leur dira Hollande.

D’ailleurs, on pourrait peut-être prévoir aussi une petite place avec eux pour Fillon et Copé car les vacances ils ne connaissent pas non plus. Et vas-y que je te colle un droit d’inventaire, et vas-y que je te préfère une « analyse critique ». Bonjour l’ambiance! On est quand même mieux ici en Normandie entre nous pour préparer cette rentrée politique !

La rentrée, vous le savez, c’est le moment où l’on prend quelques bonnes résolutions, où l’on se fixe de nouveaux objectifs mais c’est aussi le bon moment pour se repasser le film de l’année précédente et en tirer des enseignements.

Ces derniers mois ont été singuliers. Nous venons de passer notre première année dans l’opposition. La première depuis dix ans, ce n’est pas rien. Je ne vous cache pas qu’il faut un peu de temps pour s’y habituer. Un an ce n’est pas grand-chose mais c’est suffisant pour voir ce que signifie le « hollandisme », suffisant pour constater à quel point le chemin pris n’est pas le bon, combien par exemple la compétitivité de la France continue de dégringoler : nous perdons encore deux places ce qui fait de nous la  23e nation du classement 2013 du Forum économique mondial de Davos. En un an, nous avons pu aussi apprécier, si j’ose m’exprimer ainsi, le matraquage fiscal incessant auquel nous sommes soumis et  la hausse inexorable des dépenses publiques. Le gouvernement veut nous faire croire qu’il baisse les dépenses mais en réalité il se contente de ralentir leur progression, on aura augmenté de 22 milliards d’euros la dépense en 2013, le ventre de la sphère publique jamais repu engloutissant 56% de la richesse national. Un record ! Plus de la moitié du travail des Français. Vous en conviendrez, ce n’est pas tout à fait la même chose que leurs sornettes.

Donc, après une année passée dans l’opposition, vous admettrez qu’il y a de quoi être inquiet sur la santé de l’économie française et sur la capacité des Français à retrouver un peu d’optimisme et à croire en l’avenir de leur pays. Surtout quand presque partout ailleurs cela va sinon bien, en tout cas mieux.

Je ne dis pas que certains à droite se réjouissent de cette situation mais ils pensent aux prochaines élections notamment les municipales et ils commencent à se frotter les mains. Je crois qu’ils ont tort et qu’au train où ça va le seul vainqueur des prochains scrutins risque d’être l’extrême droite. Oui je dis que nous avons de bonnes raisons d’être inquiets à l’approche des futurs combats électoraux municipaux et européens car tout converge pour que l’extrême droite continue de prospérer et fasse des scores comme jamais.

Bien sûr, la menace du Front National et sa montée en puissance ne date pas d’aujourd’hui. Voilà trente ans que l’extrême-droite prospère et on sait bien de quoi elle se nourrit, je dirais à titre principal. Je veux parler de l’entrée dans la mondialisation avec les mutations économiques accélérées que cela provoque. On les voit partout, même dans nos petits villages de Normandie, ces inquiétudes liées à l’émergence d’un monde radicalement différent, cette menace que représentent pour beaucoup de nos compatriotes - l’étranger ou la montée des fondamentalismes religieux. Il ne suffit pas d’interdire la burqa pour faire disparaître les peurs de nos concitoyens, on le voit bien. Mais cette mutation n’est pas la seule explication.

La montée du Front National, quoi qu’on en dise, c’est aussi et peut-être surtout l’expression de notre impuissance, à nous politiques de gauche et de droite, je dis bien de gauche et de droite.

Nous qui sommes désormais dans l’opposition, ayons l’honnêteté de nous livrer à un petit exercice d’autocritique. On parle toujours du droit d’inventaire. Certes, c’est un droit, mais c’est surtout un devoir pour une opposition qui prétend redevenir majoritaire. Et même si cela est difficile à accepter, on ne peut pas se voiler la face et considérer que les seuls responsables de la montée du Front, ce sont le PS et ses alliés de gauche.

Moi, je défends l’idée que nous sommes tous co-responsables ; et dans cette co-responsabilité, je distinguerais une responsabilité active -  celle du PS – et une responsabilité passive : la nôtre. Quelques minutes si vous le permettez pour vous expliquer ce que je veux dire par responsabilité active et passive.

Dans l’histoire récente de notre pays les socialistes ont en effet une lourde responsabilité  du fait de toute une série de décisions qui hypothèquent fortement l’avenir de notre pays, portent atteinte à son énergie et à son dynamisme. Je veux parler des 35 heures, je veux parler de la hausse délirante des dépenses publiques, je veux parler de la mise en place d’une fiscalité nocive au travail, à la production, à l’esprit d’entreprise et à la volonté de créer de la richesse, je veux parler enfin de pratiques et même de reflexes clientélistes qui conduisent les socialistes à ne traiter par exemple la réforme de l’éducation nationale que sous le seul prisme de l’augmentation des postes d’enseignants.

Voici la responsabilité des socialistes, une responsabilité active, une responsabilité qui se nourrit d’une série de décisions désastreuses pour notre pays, revendiquées et systématiquement réitérées à chaque fois qu’ils reviennent au pouvoir.

Mais vous allez me dire : et vous alors, vous n’étiez pas aux affaires de 2002 à 2012 ? Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, ce ne sont pas des présidents de droite par hasard ?  Vous avez raison. Bien sûr nous y étions aux affaires, moi y compris et pendant 4 ans, et c’est pourquoi je parle de co responsabilité dans la situation actuelle de notre pays et dans la progression du Front national. Je ne veux pas me défiler mais simplement la différence que je fais c’est que, eux ont péché par action alors que nous nous avons plutôt pêché par omission. Oui omission à supprimer ce que les socialistes avaient fait de nocif pendant qu’ils étaient au pouvoir. Omission à tenir nos promesses de campagne. Omission à passer des paroles aux actes.

Oui, notre responsabilité passive, c’est d’avoir donné un espoir aux Français pour finalement les décevoir.

J’ai encore en souvenir ce moment magique de 2007 lorsque les Français pensaient enfin sortir de l’immobilisme pour vivre une véritable alternance : pas seulement une alternance de personnes et de mots, mais enfin une alternance d’actes. Ce n’est pas remettre en cause l’énergie de Nicolas Sarkozy et sa volonté à tenter de sortir des sentiers mille fois battus ; ce n’est pas méconnaitre sa capacité personnelle à gérer des crises que d’ admettre une bonne fois pour toutes que sur les quatre ou cinq grands sujets qui auraient permis  à la France de retrouver l’optimisme et le chemin du progrès, nous sommes souvent restés au milieu du gué.

En vérité, nous avons passé notre temps à dénoncer les erreurs des socialistes pendant nos campagnes électorales, mais une fois gagnées les élections, nous n’avons pas su prendre les problèmes à bras le corps ; nous n’avons pas osé faire sauter les verrous. Nous avons contourné les obstacles.  En somme, une stratégie d’évitement, de contournement. Voilà ce que les Français nous reprochent. Voilà pourquoi ils ont envie de casser la barraque.

Et du coup, les Le Pen, père, fille, petite nièce et gendre ont beau jeu de dire qu’entre la droite et la gauche c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

Quelques exemples pour illustrer mon propos :

-     D’abord, la compétitivité de l’économie française. Oui, nous avons passé notre temps à dénoncer l’erreur stratégique des 35 heures. Oui, j’ai été le seul à proposer que l’on travaille en France au moins autant que dans les autres pays européens, c’est à dire 37 à 38 heures par semaine, privilégiant un effort collectif des Français à la hausse des impôts et donc à la baisse du pouvoir d’achat. Malgré les discours, qu’avons-nous fait ?  Pas grand-chose. Juste la défiscalisation des heures supplémentaires qui a certes amélioré le pouvoir d’achat de ceux qui en ont profité et donné un peu de souplesse aux entreprises. Mais cette mesure a couté cher au contribuable sans rien régler du fond du problème : ni la question de la compétitivité, ni celle du pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés.

-     Deuxième sujet : la fiscalité.  Combien de fois avons-nous condamné l’instabilité fiscale ?  Or nous avons fait comme les autres : nous avons, nous aussi, changé la loi fiscale en permanence. Le Monde titrait mardi dernier : « Sarkozy-Hollande : 84 impôts nouveaux en deux ans ». A aucun moment, nous n’avons construit une fiscalité qui, adaptée à la mondialisation, soit moins pesante sur la production et davantage ciblée sur la consommation de produits importés. Nous n’avons pas eu le courage de remettre en cause ces dispositifs fiscaux dont chacun sait qu’ils nuisent au pays même s’ils flattent l’égalitarisme. Résultat, des Français assommés par les taxes et impôts en tous genres et même 80 000 d’entre eux qui ont délocalisé leur patrimoine depuis20 ans.

-     Troisième sujet : l’enseignement. Là, nous avons donné à la fois l’exemple et le contre- exemple. Le bon exemple, c’est la réforme des universités, leur autonomie, leur capacité à se prendre en main et à montrer qu’elle pouvait devenir notre force de frappe dans la compétition mondiale. Le contre-exemple, c’est l’école et surtout primaire qui ne s’est pas améliorée et s’est même dégradée avec la suppression d’une formation digne de ce nom pour les maîtres.

-     Dernier exemple de notre responsabilité passive, et non des moindres : les retraites. Il faut être lucide. Ni la réforme Fillon et encore moins les annonces du Gouvernement Ayrault ne sont en mesure de rétablir l’équilibre de notre système de retraites. A tel point qu’il faudra même probablement remettre l’ouvrage sur le métier avant 2017. Dans ce dossier aussi, nous avons eu une stratégie d’évitement car, certes nous avons allongé la durée de cotisation, mais sans nous attaquer à la cinquantaine de régimes spéciaux ou aux coûts de gestion des multiples régimes de retraites ; multitude des régimes qui provoquent un surcoût de gestion de 3 milliards d’euros. Nous avons certes fait l’effort de rééquilibrer le régime général mais nous avons fait, disons-le, une réforme en trompe l’œil sur les régimes spéciaux. Oui, l’UDI défendra un régime universel des retraites lors des prochains débats. Tous les Français égaux, de la vraie égalité, pas celle que nous servent les socialistes pour matraquer ceux qui travaillent, qui risquent, qui investissent ou qui épargnent pour leur retraite.

Mais chers amis, vous voyez derrière tous ces sujets, il n’y a pas que des questions de fond ; il y a aussi un problème de méthode et notamment l’impréparation des majorités quand elles arrivent au pouvoir.

Ce fut frappant avec les socialistes, donnés pendant des mois largement gagnants de la dernière élection présidentielle et qui, malgré cela, ont fait de l’anti-sarkozysme leur seul projet politique ! Totalement incapables de produire un vrai programme de gouvernement sérieux et chiffré. On leur avait pourtant laissé dix ans pour se préparer ! A tel point que les 100 premiers jours de Hollande furent 100 jours de vide sidéral. Remarquez,  avec les socialistes, le vide est peut-être préférable au plein : au moins, ça leur permet d’éviter de faire des bêtises. Mais alors que dans les grandes démocraties du monde, les projets de loi sont déjà quasi ficelés et prêts à entrer dans la moulinette gouvernementale le soir même de l’élection, je suis frappé chez nous du degré d’impréparation de nos gouvernants, de nos partis politiques.

Pour moi, une équipe qui accède au pouvoir, elle doit donner du grain à moudre au Parlement jour et nuit pendant les six premiers mois de son mandat. N’est-ce pas d’ailleurs ce qu’avaient fait François Mitterrand en 1981 et Jacques Chirac en 1986, lors de la première cohabitation, pour faire adopter un certain nombre de réformes inscrites dans le contrat passé avec les électeurs ? Mais s’il le faut, ne pas hésiter à utiliser les ordonnances quand il s’agit de textes qui ont déjà fait l’objet d’une approbation explicite des Français durant la campagne.

Chers amis, au-delà même de la méthode et de cette impréparation répétée des hommes au pouvoir, il y a une question plus profonde sur le fonctionnement de nos  institutions.  Je sais que je vais choquer un certain nombre d’entre vous, mais je veux parler de l’élection du président de la République au suffrage universel direct.

Ce n’est pas politiquement correct de dire cela, mais cette élection est devenue septennat après septennat, quinquennat après quinquennat, un véritable drame pour la démocratie française.

Cette élection, elle rend complètement dingue le monde politique français. Tellement dingue que le soir même de l’élection présidentielle, la classe politique a déjà les yeux braqués sur l’élection suivante. Et les primaires ont encore aggravé les choses en permettant aux uns et aux autres de se positionner et de faire leurs petits calculs pour les cinq ans à venir sans jamais avoir à affronter la violence démocratique de l’élection présidentielle.    La présidentielle, ce n’est plus une élection, c’est devenu une obsession. Et les primaires, c’est l’élection présidentielle du pauvre à laquelle tout le monde peut participer ; ce qui renforce encore un peu plus l’obsession.

J’ajoute que lorsqu’on a Hollande comme président, et qu’on a manqué d’avoir Ségolène la fois d’avant, on se dit que finalement l’élection présidentielle, tout le monde peut y participer…

Or il faut se souvenir que l’élection présidentielle au suffrage universel direct a été pensée en 1962 dans une période singulière de notre Histoire: la décolonisation et la crise algérienne. Elle a été pensée par un homme et pour un homme – le Général de Gaulle -  qui était un demi-dieu, à la suite de l’attentat du Petit-Clamart.

On expliquait alors que l’élection au suffrage universel direct était un gage de démocratie. On sait aujourd’hui qu’elle est en réalité un facteur puissant de concentration des pouvoirs et donc de recul démocratique. Elle génère auprès du président une cour de conseillers technocrates qui se prend très vite pour un gouvernement bis ; des hommes et des femmes de l’ombre, irresponsables politiquement et uniquement préoccupés à satisfaire le moindre froncement de sourcils du Prince. La République irréprochable que nous centristes nous  avions défendue en 2007 a été très vite piétinée, je l’ai constaté avec effarement quand j’étais ministre. La concentration des pouvoirs conduit à toutes les dérives, aux nominations les plus contestables, aux connivences les plus détestables.

On nous expliquait hier que l’élection présidentielle au suffrage universel direct était la garantie d’un président au-dessus des partis, un président arbitre de la Nation, délaissant le quotidien pour veiller uniquement aux sujets essentiels. Nous en sommes loin. La réalité, c’est que ce président, il est non seulement le chef de l’Etat, mais aussi le chef du gouvernement, le chef de son parti, le chef de tout, régissant les moindre détails de la vie parlementaire et de la logistique quotidienne du parti.

Mais surtout, et c’est probablement cela le plus grave, l’élection présidentielle empêche la construction d’un projet collectif capable de rassembler bien au-delà de son propre parti pour bâtir un programme de gouvernement sur les bases politiques les plus larges possibles.

Ouvrez les yeux ! Regardez ce qui se passe en Allemagne où les élections législatives ont lieu dimanche prochain avec dans la foulée la désignation du chancelier : les programmes politiques de chaque formation sont déjà conçus pour pouvoir construire des coalitions. C’est tout le contraire de ce qui se passe en France où chacun est tenté de cultiver son égo et sa différente seulement pour pouvoir justifier son existence politique. On en arrive ainsi à l’absurde de propositions politiques démagogiques et irréalisables balancées un matin à la va-vite sur les ondes d’une radio. Souvenez-vous de la taxe à 75%  annoncé par François Hollande dans une impréparation totale.

Enfin, l’élection présidentielle au suffrage universel présente cet inconvénient majeur qu’elle fait naître chez nos compatriotes  un espoir immense, lequel est bien entendu immédiatement déçu. Voilà qui nourrit chaque fois un peu plus les extrêmes qui contestent le régime lui même.

Enfin, pour finir de tenter de vous convaincre, croyez-vous que l’élection au suffrage universel direct soit un gage d’efficacité de l’action publique ? C’est le contraire qui se passe. Notre système de gouvernance publique, en faisant tout reposer sur une seule personne, n’est absolument plus adapté au monde nouveau. L’homme ou la femme providentielle, c’était peut- être vrai à un moment de notre histoire, mais cela ne correspond plus du tout à notre époque. C’était valable dans l’ancien monde, un monde vertical, celui des hiérarchies, un monde binaire, l’est et l’ouest, le nord et le sud. Le monde nouveau n’est plus celui-là : il est horizontal, il est réseaux, il est dialogue, il est multipolaire. Les grandes entreprises ont vu ce changement et elles ont toutes modifié leurs organisations. Vous imaginez L’Oréal, BNP Paribas ou Michelin qui aurait gardé la même organisation à leur tête depuis 1958 ! Et Google, Microsoft et Facebook n’existaient pas.

La fonction présidentielle est devenue une illusion d’efficacité et une réalité de médiocrité. Illusion d’efficacité parce que ces bataillons de préfets, de recteurs, de directeurs d’administration le petit doigt sur la couture du pantalon, prêts à réagir nuit et jour aux décisions présidentielles ne produisent plus que quelques clapotis sur l’océan de la mondialisation. Moins on est capable de produire de la réforme et plus on produit de la norme. Le moins bon en revanche nous l’avons gardé et même amplifié-les intrigues de cour, les prébendes et les disgrâces, le bon plaisir du prince – tout ce que l’on découvre une fois de plus dans les affaires Cahuzac ou Tapie. Tout cela ne serait pas bien grave si d’autres pouvoirs avaient pris le relais. Mais ce n’est pas le cas. La polarité présidentielle n’a jamais été aussi forte. Elle ne produit plus d’énergie mais elle bloque tout.

Voilà pourquoi, je vous le dis, je suis plus que jamais favorable à un vrai régime parlementaire avec un président arbitre qui ne soit plus élu au suffrage universel direct et un premier ministre qui soit le vrai chef du gouvernement. Et qu’on cesse de nous dire que ce serait le retour à l’instabilité. C’est au contraire revenir à l’esprit parlementaire de la constitution de 1958.

Chers amis, faire l’inventaire de notre action au pouvoir, ce n’est pas chercher à critiquer pour le plaisir de critiquer, cela ne servirait à rien.

Nous devons en revanche exprimer les raisons pour lesquelles nous n’avons pas atteint nos objectifs afin de faire mieux le jour où nous redeviendrons majoritaires.

En tant que président de parti, ancien membre du gouvernement et parlementaire, je vous l’ai dit, je prends toute ma part de responsabilité.

Nous n’avons pas été en mesure de peser parce que nous les centristes, nous étions divisés, fragmentés. Si bien que lorsque chaque année nous défendions la TVA sociale, une vraie transformation de notre organisation territoriale,  une réduction ambitieuse de la dépense publique ou l’instauration de la règle d’or, nous étions traités par le mépris parce que nous étions incapables de peser.

De cela nous avons su enfin tirer les conséquences en construisant l’UDI. En neuf mois, nous avons su construire une formation politique qui est le troisième parti français en nombre de parlementaires, rassemble 50 000 militants et des élus locaux par milliers. Petit à petit, notre organisation prend forme mais il est clair qu’il y a devant nous deux sujets essentiels :

-     1er sujet : nous devons d’abord améliorer notre fonctionnement interne et créer un climat de confiance entre les principaux dirigeants. Pour porter un projet moderne, en phase avec la société d'aujourd'hui, nous avons en effet besoin de cet enthousiasme collectif et il reste à construire. Jean-Louis Borloo accomplit un travail formidable, il faut le reconnaître. Tous les jours, il met les mains dans le cambouis pour faire avancer la machine. Nous avons aussi un contre gouvernement qui se réunit chaque mois sous la houlette d’Yves Jego. Nous avons aussi démontré notre capacité à peser au Parlement comme en témoigne l’action de Charles de Courson comme président de la commission d’enquête de l’affaire Cahuzac.

Mais il reste évident que notre organisation n’est pas encore optimale. Nous avons besoin d’un organigramme simplifié avec des responsabilités partagées. Les principaux responsables de l’UDI doivent pouvoir consacrer l’essentiel de leur temps à porter le message politique de l’UDI plutôt qu’à se perdre dans les méandres du mécano infernal de la logistique du parti.   Nous devons trouver le temps de la réflexion et du travail de fond pour proposer aux français les politiques nouvelles qu’appelle le monde nouveau dans lequel nous sommes entrés.

Améliorer notre organisation permettra aux différentes formations politique qui constituent l’UDI – et dont il ne saurait question qu’elles disparaissent aujourd’hui – de se sentir chez elles et en pleine confiance dans notre maison commune pour créer une dynamique collégiale et former une escadrille de responsables politiques nationaux et locaux capables de faire entendre nos valeurs et nos idées.  Car reconnaissons-le, notre principale faiblesse est  de nous faire piller nos idées sans que personne ne sache qu’on nous les a volées ! C’est d’autant plus insupportable qu’en même temps, on nous assène à longueur de journée qu’on ne nous entend pas.

-     Second sujet propre à l’UDI : poursuivre le rassemblement de tous les centristes. Je me suis exprimé à ce sujet hier dans les médias. Disons les choses clairement : personne n’a oublié le choix de François Bayrou en 2012. Nous l’avons contesté, nous l’avons condamné : ce n’est plus la peine d’y revenir. Mais, sans rien oublier, il faut aussi savoir tourner la page.

Pour moi, reconstruire une grande formation politique de centre droit capable de porter un message politique ne peut se faire en éludant purement et simplement la question de François Bayrou. Et d’ailleurs, si on l’éludait, elle nous reviendrait très certainement dans 3 ou 4 ans…

Certains ont dit –et je l’ai dit aussi plusieurs fois- l’UDI c’est l’UDF. On est entre nous, et les journalistes présents ne le répèteront pas, ce n’est pas tout à fait vrai. L’UDF, c’était tous les centristes sans exception, l’UDI c’est tous les centristes mais sans Bayrou et le courant qu’il représente. A la fin quelle différence me direz-vous ? Et bien elle est simple : 7 ou 8 points de plus lors des scrutins nationaux ce qui fait au moins 15 % voire 20 si on est très bons. Et là, la donne est différente : 20-25 au PS, 20-25 à l’UMP, 15-20 pour nous, 5-10 pour les écolos et le reste aux 2 extrêmes. Là on compte, là on pèse, là on dit ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas.

Loin de nous l’idée de « rejoindre » Bayrou. Ce n’est ni Bayrou qui rejoint l’UDI, ni l’UDI qui rejoint Bayrou. Il s’agit de construire un lieu de dialogue et de débat entre nous pour reconstituer l’unité de l’expression de la famille centriste. Moi je vous donne juste mon point de vue, je ne serai pas de ceux qui demanderont à François Bayrou de venir devant nous tel les bourgeois de Calais en chemise, la corde au cou, et les clefs de la ville et du château en mains. Si on tend la main il faut la tendre sans rancune et sans arrière-pensées. Ce qui m’importe, moi, ce n’est pas la repentance, c’est la cohérence : ce qui veut dire qu’il y ait une vraie clarification politique exprimée par celui qui a soutenu François Hollande en 2012. Il critique de plus en plus la majorité, c’est un signe, mais la démarche d’unité que nous sommes prêts à entreprendre ne réussira que si tout le monde indique clairement que notre formation est une formation du centre et du centre-droit et qu’il n’y a pas de majorité possible avec le Parti socialiste.

Nous devons mener ensemble le combat de la prochaine élection européenne, c’est clair, parce que nous voulons une Europe radicalement différente de celle qu’on nous a faite, une Europe fédérale qui permet aux nations d’être plus forte mais notre rapprochement avec François Bayrou ne serait d’aucune utilité si elle devait simplement se limiter à l’organisation d’un cartel électoral pour faire élire des députés européens ou des équipes aux municipales.

Oui au-delà de ces combats, notre unité recouvrée non dans un parti unique mais dans une structure souple du type G7 pour dialoguer, construire un projet et une dynamique d’union, doit nous permettre d’affirmer  haut et fort notre volonté d’exister  pour cesser d’être les supplétifs d’une future majorité.  L’idée c’est d’être en capacité de porter un projet politique qui soit débattu dans le cadre de primaires centristes pour ensuite soumettre notre propre  projet aux français lors de la prochaine élection présidentielle.

Entendons-nous bien : quand j’évoque les primaires, je ne parle donc pas des primaires de l’UMP où un candidat centriste viendrait jouer les faire-valoir. Pas question d’être les radicaux de gauche de l’UMP et d’être comme Cyrano le bon ami qui vient pour être drôle. Oui à des primaires mais nos primaires, des primaires chez nous, pour avoir notre candidat à nous au premier tour de l’élection présidentielle.

Ce n’est pas seulement l’intérêt des centristes : c’est aussi l’intérêt des Français. Car je souhaite que nous portions devant les Français un projet moderne, aboutissement d’une vraie réflexion sur notre société.  La vérité, c’est que nous ne traversons pas une de ces multiples crises qui ont jalonné notre histoire ; non, nous sommes en train de changer de monde et ce changement de monde nous impose des politiques nouvelles. Nous sommes au même carrefour de l’humanité que le passage du Moyen-âge  à la renaissance ou au lendemain de l’invention de la machine à vapeur.  Certes, un monde ancien est en train de s’effondrer et  cela inquiète nos compatriotes. Ce monde qui disparaît c’était la domination de l’occident qui concentrait les richesses, la puissance et le modèle démocratique.

Aujourd’hui apparaissent sur la planète des pays émergents qui ne sont plus seulement des ateliers de confection de t-shirts mais des Etats dont la puissance et la richesse seront au moins égales voire supérieures à la nôtre.

Ce monde-là, cette terre plate dont parle Thomas Friedman, ce monde du numérique qui transforme la conscience collective et l’individu, ce n’est pas seulement une menace, c’est une chance. Ce monde là est fait pour nous. Nous devons redevenir optimistes. Car la différence entre la droite, la gauche et le centre, c’est que la droite est pessimiste par nature, la gauche d’un optimisme béat alors que nous, les centristes,  nous sommes des optimistes réalistes.

Si nous sommes d’accord pour régler les grands problèmes qui sont devant nous - une politique économique et fiscale tournée vers la production , un système éducatif efficace, un marché du travail plus souple et qui récompense l’effort, un système public rénové et plus efficace, une Europe capable de porter nos valeurs et de nous défendre dans la compétition mondiale, une France qui ne mollit pas sur les principes fondamentaux de la République face aux montées du communautarisme et de l’intégrisme  - : alors oui, ce nouveau monde est fait pour nous.

Nous avons la technologie, la matière grise, la créativité, les infrastructures, les services publics, un positionnement géographique exceptionnel sur les cinq continents, une histoire, des paysages, bref tout ce qu’il faut pour réussir dans la mondialisation.

Face aux discours de régression et d’illusion, face aux discours mortifères et « déclinistes », face aux discours d’irresponsabilité et de haine, portons, nous centristes, l’idée de liberté, l’idée de responsabilité individuelle et collective, de confiance dans l’avenir et de confiance en nous mêmes. Nous avons quatre ans, un tout petit moins, devant nous. C’est plus qu’assez pour engager un vrai travail de réflexion et proposer ensuite un programme de gouvernement crédible et non une liste de promesses qui ne seront jamais tenues. Posons-nous d’abord les bonnes questions sans se laisser aveugler par l’esprit de revanche ou l’idéologie.

Voilà mon message de rentrée : mettons toutes nos forces pour réunir tous les centristes dans la clarté politique, j’insiste dans la clarté politique, préparons l’avenir en faisant appel aux valeurs de liberté et de responsabilité, d’humanisme mais d’appel à l’effort, regardons ce monde nouveau pour poser une politique nouvelle et surtout n’ayons pas peur de l’avenir, il est fait pour nous.

Merci à tous.

Je vous remercie.

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