30.01.2013

Discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe : Intervention d'Hervé Morin

Monsieur le Président, chers collègues,

Je souhaiterais dans ces cinq minutes qui me sont accordées éviter deux écueils qui sont apparus bien souvent dans ce débat, je veux parler d’une part de la caricature, d’autre part du juridisme. Evitons l’un et l’autre parce que le projet sur lequel nous débattons traite de vies humaines, de croyances, de raisons d’être et de raisons de vivre.

Oui madame la Ministre, un monde nouveau émerge, et ce monde nouveau impose des réponses nouvelles. Il y a 40 ans, l’homosexualité relevait du code pénal. Il y a 20 ans, on la cachait encore. Aujourd’hui, on assume plutôt sereinement son homosexualité en France. Il y a dans les sociétés modernes, comme dans les océans, des grands courants invisibles, puissants facteurs de transformation et il appartient donc à la loi d’évoluer.

Dès lors, oui, je suis favorable à l’union pour tous ; oui, madame la Ministre, je suis comme vous favorable à l’égalité des droits mais l’égalité des droits dans la Constitution française, puisque vous l’avez évoquée amplement, ce n’est pas l’uniformité. L’égalité, c’est aussi la différence et la différenciation juridique. A des situations différentes, la loi peut, et parfois doit être différente, et dans ce débat la première question est celle de la définition du mot mariage. Pour beaucoup de Français, le mariage c’est l’union par la loi entre un homme et une femme ; ce n’est pas l’union de deux individus.

On nous dira qu’il ne faut pas s’arrêter à une question de mots. Et bien dans ce cas, je prétends le contraire, car je préfère les mots qui rassemblent aux mots qui jettent les Français les uns contre les autres.

Vous avez décidé de faire de cette loi une ligne de fracture politique pour créer un marqueur idéologique au moment où vous êtes en grande difficulté sur les questions économiques et sociales, au risque de diviser les Français. Je le regrette.

Oui, la communauté homosexuelle est légitime à exiger plus de protection et de droits que ne lui accorde le seul PACS, et il était facile de le faire par l’adoption d’un contrat d’union civile, sans heurter nos concitoyens pour qui le mariage a un caractère sacré et repose sur l’union de deux personnes de sexes différents.

Oui, ce sujet divise, heurte, blesse au plus profond une part importante de notre société et celle-ci doit être respectée. Dans ses convictions, dans sa culture, dans sa foi religieuse, dans sa vision de la société. Bien sûr le mariage n’est pas le monopole de la religion et il présente aussi, et même avant tout, un caractère civil ; mais je crois que ce serait une erreur de faire comme s’ils étaient totalement étrangers l’un à l’autre. D’une part parce que le mariage civil est issu de notre civilisation judéo-chrétienne et d’autre part, parce que la laïcité, je le rappelle n’est pas un Etat sans religions, mais un État qui permet leur libre exercice et surtout respecte les consciences.

C’est ma position d'aller le plus loin possible dans la réponse aux problèmes et aux aspirations des uns, mais en s’arrêtant là où commence la blessure des autres. C’est pour moi la différence entre un texte politicien et un texte politique, un texte électoraliste et un texte d’intérêt général.

Le second point que je souhaite aborder concerne l’adoption pour tous. Je dis d’emblée que j’en soutiens le principe, et en disant cela, je sais bien que je vais à rebours de beaucoup de mes collègues qui ne refusent le mariage pour tous qu’en tant qu’il induit l’adoption. Je suis effectivement dans la situation inverse. D’abord, parce que je crois que l’essentiel, c’est de donner du bonheur à un enfant, et cela se saurait depuis longtemps si les couples hétérosexuels avaient le monopole de ce don de bonheur… Même si je suis convaincu que pour un enfant, sa construction est encore plus difficile quand il a pour parents deux hommes ou deux femmes, au moins parce qu’il y a le regard des autres et la différence de situation.

Ensuite, parce que nous devons faire cesser une hypocrisie dont l’enfant est finalement la principale victime. Quelle est la situation aujourd’hui ? Nous le savons. Les couples homosexuels adoptent des enfants, une quarantaine par an, mais ils le font en tant que célibataires. Ils cachent généralement leur compagnon ou leur compagne dans le placard, le temps de l’agrément, puis le ressortent ensuite.

Humainement et éducativement, il y aura bien un couple, juridiquement il n’y a qu’un parent. Et dès lors que se passe-t-il en cas de transmission de patrimoine ? Que se passe-t-il en cas de séparation ? Que se passe-t-il en cas de décès ? Il était temps d’y trouver une réponse.

On ne parle pas ici de mariage, on ne parle pas de naissance par pma, on ne parle pas, pire encore, de cette marchandisation du corps qu’est cette abominable gestation pour autrui, on ne parle que de responsabilité vis-à-vis d’enfants, non pas du droit à l’enfant mais du droit de l’enfant à être aussi bien protégé que l’enfant grandissant au sein d'un couple hétérosexuel.

Donc, très clairement pour moi, non au mariage pour tous, parce que cela oppose les Français et parce que nous avons d’autres solutions tout à fait efficaces et respectueuses de la vie de chacun, mais oui à l’adoption parce que nous n’avons que ce moyen pour mettre un terme à une hypocrisie qui peut être très dommageable pour l’enfant. 

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