11.05.2011

Discours de Rudy Salles à l’occasion du débat sur l’Europe et la Méditerranée

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre d’Etat,
Mes chers collègues,

Comment aborder ce débat consacré aux relations euro-méditerranéennes sans évoquer ce formidable élan de liberté à l’œuvre sur la rive-sud ? 
Depuis plusieurs semaines, nous sommes, et avec nous l’ensemble des peuples de la rive-nord, les témoins d’un mouvement historique, en ce qu’il est tentant, à bien des égards, de le rapprocher ce que nous avions connu nous-mêmes voici plus de 20 ans avec l’éveil à la démocratie des anciennes démocraties populaires d’Europe centrale.
En quelques semaines, parfois en quelques jours, nous avons vu se lever des peuples, qui après de longues années d’asservissement, aspiraient tout simplement au changement, nous avons vu s’effondrer des régimes en place depuis plusieurs décennies, nous avons vu également, la profonde sclérose de certains pouvoirs, qui n’ont pas hésité à retourner leurs armes contre les aspirations les plus légitimes de leur propre population.
Alors qu’au moment même où nous parlons, l’intervention de la coalition internationale continue dans le ciel Libyen, et ce conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, nous peinons encore à mesurer l’étendue des conséquences qui seront celles de la séquence que nous sommes en train de vivre.
En Libye, et je veux ici saluer l’engagement et le professionnalisme de nos pilotes et de nos marins engagés dans cette opération, les forces loyales au pouvoir du Colonel Kadhafi semblent aujourd’hui à nouveau en train de reculer et les forces du Conseil national de transition, qui, il y a quelques jours encore, se trouvaient acculées dans leur bastion de Benghazi semblent à nouveau en passe de faire basculer l’issue de cette crise.
Pour autant, et s’il importe que ce soit au final au seul peuple libyen de choisir sa destinée, la question qui reste devant nous est celle de la recomposition des relations entre chacune des rives de la Méditerranée, conséquence immédiate de la recomposition politique en cours sur la rive-sud.
L’Europe, c’est incontestable, a un rôle à jouer et un message à porter. Voici quelques jours, vous appeliez de vos vœux, Monsieur le Ministre d’Etat, l’avènement d’une Europe puissance, en lieu et place de cette Europe « super-ONG » qui s’est illustrée dans la crise libyenne. Nous avions nous-mêmes, voici quelques jours déploré dans cet hémicycle, la frilosité dont ont fait preuve les institutions communautaires sur ce dossier. 
La relation euro-méditerranéenne doit, c’est une évidence, tirer parti des évènements que nous sommes en train de vivre, pour évoluer et nous partageons bien entendu, Monsieur le Ministre d’Etat, le constat que vous avez dressé, à ceci près qu’il est sans doute préférable, à nos yeux tout du moins, d’entendre l’Europe puissance au sens d’une Europe politique. C’est un fait, dans l’ordre mondial tel qu’il existe aujourd’hui, toute démonstration de puissance, au sens de ce hard power théorisé par Joseph Nye, alimente de son seul fait des dynamiques de contestation. Nous voyons bien du reste, que si la rue arabe est très largement favorable à la rébellion libyenne, elle n’en regarde pas moins avec attention, et pour tout dire, avec une part de méfiance, l’intervention internationale en cours dans le ciel libyen.
La recomposition des relations entre la rive-nord et la rive-sud ne doit pas être perçue comme une occasion pour l’Europe d’imposer ses vues ou ses orientations, une telle entreprise ne pourrait du reste qu’être vouée à l’échec. Ce dont il doit être question, c’est d’un dialogue véritablement politique, c’est d’assistance et de coopération, au service d’intérêts partagés et vers des projets communs.
Les outils pour une réelle coopération existent, c’est la politique de voisinage de l’Union européenne, le processus de Barcelone, l’assemblée parlementaire de la Méditerranée et enfin l’Union pour la Méditerranée. Certes, il est souvent tentant de pointer du doigt l’inefficacité prêtée à cette politique lorsqu’on compare ses résultats avec ceux des programmes dirigés vers l’Europe centrale. Comparer les résultats de chacun de ces programmes c’est pourtant s’essayer à comparer l’incomparable. Aux uns, l’Europe centrale et orientale, nous offrons ainsi la perspective d’une adhésion aux institutions communautaires, aux autres, les Etats de la rive-sud, celle de constituer le cercle d’amis géographiquement proches, dont parlait M. Romano Prodi, alors Président de la Commission européenne. Autrement dit, mes chers collègues, comment parler d’inefficacité alors que notre coopération avec les Etats de la rive-sud s’opère sans que puisse être mobilisé ce puissant levier d’influence que constitue pour tout Etat, la perspective de rejoindre l’Union européenne ? 
Ces outils existent et il importe aujourd’hui de les mobiliser afin de conforter efficacement le processus en cours sur la rive sud. En cela, s’il est tentant de rapprocher comme je le rappelais ces évènements de ceux de 1989, il importe de rappeler que cet enchainement de révolutions ne procède pas de la dislocation d’un bloc et qu’il se rapproche en réalité bien plus de ces révolutions colorées d’Europe orientale, révolution orange en Ukraine, révolution des roses en Géorgie notamment. L’exemple ukrainien est du reste éclairant en ce qu’il démontre également que ces changements politiques n’ont rien de définitif et qu’ils ne sont pas en eux-mêmes un aboutissement. 
En Tunisie notamment, la révolution du jasmin ne procède pas uniquement de considérations politiques, elle s’explique avant tout par la crise économique qui a frappé ce pays comme tant d’autres, contraignant sa jeunesse au chômage de masse. La chute du régime de Ben Ali a certes créé un nouvel espoir, pour autant, la crise économique tunisienne demeure et il importe aujourd’hui d’abord de donner aux nouveaux dirigeants tunisiens les moyens de répondre aux attentes réelles de leur population, et notamment aux problématiques de nature tant économique que sociale à l’origine de cette révolution.
Plus largement, j’observe que si l’initiative prise voici 4 ans par le Président de la République en faveur d’une véritable Union pour la Méditerranée a pu en son temps surprendre certains et en irriter d’autres, sa légitimité et son opportunité ne font aujourd’hui plus de doutes. Certes, les résultats semblent aujourd’hui en deçà des espérances. C’est pourquoi il importe aujourd’hui de relancer cette organisation pour lui faire prendre toute sa mesure. Les chantiers ne manquent pas, il y a bien sur la nécessité de mettre en place des politiques concertées en termes de maitrise des flux migratoires, mais il y a également, au-delà des thématiques traditionnelles que sont la dépollution ou le développement des réseaux de transports, la nécessité, comme je l’indiquais d’une véritable coopération économique entre Nord et Sud, à même de répondre avec efficacité à la prégnance sans égale de ces questions dans la plupart des Etats de la rive sud, car c’est là, mes chers collègues, une condition sine qua non d’une véritable stabilisation politique.
Je vous remercie, 

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