11.05.2011

Discours de P. Brindeau / projet de loi autorisant la ratification du protocole sur les dispositions transitoires annexe au traité sur l’Union européenne et projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Effets collatéraux du retard pris dans le processus de ratification du Traité de Lisbonne, les deux projets de loi dont nous sommes aujourd’hui saisis ont un objet propre à en surprendre plus d’un, dans la mesure où ils visent à autoriser notre assemblée à désigner deux de ses membres pour siéger, non pas dans cet hémicycle, mais bien dans celui du Parlement européen.
Ce-faisant, nous nous apprêtons à nous placer dans une situation inédite depuis 1979 et les premières élections européennes, en autorisant deux de nos collègues à exercer un mandat qu’ils n’auront pas reçu du peuple.
Derrière le caractère pour le moins inhabituel de cette procédure et derrière les postures dans lesquelles certains choisiront de se retrancher, il convient cependant d’examiner de manière lucide et responsable le problème qui nous est soumis et auquel ces deux projets de loi ambitionnent de répondre.
Si la négociation et l’adoption par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne du Traité de Lisbonne constitue incontestablement un succès à mettre à l’actif du Président de la République et de notre diplomatie, sa ratification par l’ensemble des Etats membres n’a, chacun s’en souvient, pas été sans heurts. Au-delà du cas irlandais où deux référendums ont été nécessaires pour permettre sa ratification, l’attitude dilatoire choisie par certains chefs d’Etat a abouti à ce que les élections européennes de 2009 se tiennent non pas sous le régime prévu par le Traité de Lisbonne mais bien sous celui du protocole sur l’élargissement de l’Union européenne, annexé en 2001, au Traité de Nice, lequel, juridiquement de même valeur que le Traité lui-même, prévoyait initialement une diminution tant des effectifs du Parlement européen que de ceux de la Commission. 
Conséquence directe sur le plan de la composition du parlement européen, la délégation française, qui comptait 78 membres sous la précédente mandature, a vu ses effectifs fondre pour s’établir aujourd’hui à 72 membres et ce alors que des élections tenues sous le régime du traité de Lisbonne auraient permis à nos concitoyens d’être représentés à Strasbourg par un total de 74 députés européens.
Adopté au terme d’une longue décennie de balbutiements sur l’architecture institutionnelle de l’Union européenne, le Traité de Lisbonne reste ainsi partiellement inappliqué, près de deux ans après son entrée en vigueur définitive, contribuant dès lors à fausser les nouveaux équilibres dont il ambitionnait pourtant de doter les institutions communautaires.
Certains Etats, au premier rang desquels l’Espagne, se trouvant particulièrement lésés par cette situation, le Conseil européen a, dès décembre 2008, retenu le principe de dispositions transitoires en ce qui concerne le Parlement européen : les élections de 2009 se tiendraient certes sous le régime du Traité de Nice mais les effectifs du Parlement européen seraient en quelque sorte actualisés en cours de mandature, à compter de l’entrée en vigueur définitive du nouveau Traité.
Certains gouvernements ont dès lors fait le choix de prévoir cette éventualité dans l’organisation des élections de 2009, d’autres, et c’est le cas de la France, préférant s’abstenir pour ne pas paraitre préempter des résultats du second référendum irlandais. 
Pour autant, cette actualisation ne pouvant intervenir de manière progressive ou partielle sous peine de fausser les équilibres entre Etats, il appartient désormais à la France de procéder à la désignation des deux nouveaux députés européens qui seront amenés à rejoindre sa délégation. C’est ainsi d’abord un impératif de solidarité en direction de l’ensemble des Etats actuellement sous-représentés à Strasbourg qui nous impose aujourd’hui de définir les modalités selon lesquelles seront désignés les deux nouveaux représentants français au Parlement européen.
L’inaction n’étant ainsi tout simplement pas une permise, le protocole sur les dispositions transitoires aujourd’hui soumis à notre approbation laisse aux Etats concernés le choix entre trois options : 
- Une élection ad hoc, soit en quelque sorte une élection européenne partielle ;
- Une désignation par référence aux résultats des élections européennes de juin 2009 selon le mécanisme des suivants de liste ;
- Une désignation, en son sein par le Parlement national, sous réserve que les personnes désignées soient elles-mêmes des élues du suffrage universel direct ;
En réalité, il n’y avait là, reconnaissons-le, aucune option pleinement satisfaisante.
La première option, celle de l’organisation d’une élection partielle, apparait, convenons-en, largement disproportionnée eu égard aux enjeux et elle était du reste ouverte essentiellement en direction des Etats membres les moins peuplés. Au surplus, il y a lieu de s’interroger sur la participation qui aurait sanctionné une telle consultation alors que nous sortons tout juste d’élections cantonales qui n’ont que très peu suscité l’intérêt de nos concitoyens.
La seconde option, celle d’une désignation par référence aux résultats de 2009, paraissait certes la plus tentante sur le papier, elle n’en posait pas moins de grandes difficultés sur le plan pratique, qu’il s’agisse en droit de l’entorse faite au principe de sincérité du scrutin mais aussi, en fait du choix des circonscriptions amenées à bénéficier d’un représentant supplémentaire, les écarts de représentation étant très faibles d’une circonscription à l’autre. J’ajouterai également que si l’on peut bien entendu regretter que cette situation n’ait pas été anticipée lorsqu’il s’est agi d’organiser les élections de 2009, le choix inverse n’aurait à son tour pas été sans poser de difficultés en droit interne et notamment au regard de l’exigence de clarté et d’intelligibilité qui entoure l’organisation de toute consultation électorale.
Restait ainsi la troisième et dernière option, celle de la désignation par le Parlement national, qui, si elle est à l’inverse de la précédente, loin d’être satisfaisante sur le papier, reste la plus simple à mettre en œuvre sur un plan pratique.
Aussi, si nous comprenons à certains égards le choix fait par le Gouvernement de retenir la solution d’une désignation de ces deux nouveaux députés européens par l’Assemblée nationale, nous n’en regrettons pas moins profondément la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, réduits à choisir, au fond, une mauvaise solution parmi d’autres.
Quand bien même ce dont il est question aujourd’hui ne serait finalement qu’un point anecdotique de la vie des institutions communautaires, il n’en demeure pas moins que ce type de débats, l’esprit dans lequel ils sont menés, ne peuvent à terme que contribuer à creuser le fossé qui sépare nos concitoyens des institutions communautaires. Ce dont l’Europe a besoin aujourd’hui, c’est plus que jamais de respiration démocratique et citoyenne, et pas d’élus qui se désignent entre eux pour assumer des mandats qu’ils n’ont pas reçu du peuple.
Sur le plan des symboles, car c’est bien là que nous nous trouvons, nous ne souhaitons pas nous associer à cette démarche et c’est pourquoi, mes chers collègues, les députés du Nouveau Centre choisiront de s’abstenir sur ce texte.
Je vous remercie,

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