27.06.2011

Discours de Charles de Courson lors du débat d’orientation budgétaire pour 2012

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Le diagnostic est dur, mais réaliste : en dépit des coups de klaxon de la Cour des comptes depuis des années, nos finances publiques dérapent pour la énième fois. La France va dans le mur, et ce mur est de plus en plus proche. Le dernier rapport de la Cour des compte sur la situation et perspectives des finances publiques est à ce titre alarmant.
A long terme, alors que les perspectives démographiques françaises sont plus favorables que celles des autres pays européens, notamment de l’Allemagne, la situation de nos finances publiques est moins soutenable, en raison du déficit structurel actuel.
Je vous propose d’analyser la situation au moment de l’élaboration du budget pour 2012.
1) Des hypothèses de croissance trop optimistes
Les chiffres sur lesquels reposent nos lois de finances ne sont pas raisonnables. J’ajoute que pour la première fois, dans le cadre du « semestre européen », la Commission européenne a exprimé une position sur le programme de stabilité français. Là encore, il n’a pas échappé à la Commission que les données françaises reposent sur un cumul d’hypothèses favorables par rapport au consensus de la place. 
Pour le groupe Nouveau Centre, il serait préférable de retenir une croissance de 1,5 ou 1,6 %, tout le surplus éventuel pouvant être alloué à la réduction des déficits publics – ce serait alors du bonus !
2) A 5%, le déficit structurel ne diminue pratiquement pas
Le déficit structurel a en effet encore légèrement augmenté. Il s’est élevé à environ 5 % du PIB en 2010, niveau supérieur de 1 point à celui des autres pays de la zone euro et de 3 points à celui de l’Allemagne. La Cour des comptes pointe un effort de redressement structurel quasi nul. Par conséquent, loin de se réduire, le déficit structurel continue d’augmenter.
Dès lors, l’interrogation sur les taux d’intérêt est légitime. Qui peut encore croire qu’ils n’augmenteront pas dans els prochains mois ? Personne.
Le rapport de la Cour souligne que des réformes structurelles sont indispensables, mais qu’elles ne permettront pas d’échapper à l’augmentation de certains prélèvements obligatoires – un diagnostic que je partage.
La sortie de la crise économique et sociale est fragile et il convient de se donner tous les moyens pour respecter la trajectoire que nous avons fixée à nos finances publiques à savoir un objectif de 3% de déficit public pour l’année 2013.
L’effort structurel de réduction du déficit au regard de la croissance potentielle doit être accentué. L’objectif devrait être plus exigeant et le déficit ramené en 2011 en dessous de 5,7 % du PIB, si la conjoncture le permet. Les incertitudes et les risques de la période à venir doivent, en effet, inciter notre pays à aller plus vite. Car, même ramené à 5,7 % du PIB, le déficit de 2011 resterait supérieur au déficit moyen des autres pays de la zone euro (3,9 %).
Il faut toutefois avoir confiance, mes chers collègues, dans un certain nombre de réformes structurelles que nous avons votées et dont la montée en charge est en cours. Je pense en particulier à la réforme des retraites, au crédit d’impôt recherche, aux investissements d’avenir, au remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale qui devraient progressivement améliorer la compétitivité française et la croissance potentielle.

3) Concernant les recettes
Les derniers documents budgétaires dont nous disposons tablent sur une élasticité moyenne des prélèvements obligatoires par rapport au PIB légèrement supérieure à l’unité pour la période 2011-2014. Espérons qu’elles retrouvent rapidement leur niveau d’avant-crise.
Le programme de stabilité prévoit des mesures nouvelles de hausse des prélèvements à hauteur de 3 milliards d’euros pour chacune des années 2012 à 2014. Cependant, j’observe que les mesures permettant d’atteindre ce montant en 2013 et 2014 ne sont pas détaillées.
4) Concernant les dépenses
Le respect de la double norme inscrite en loi de programmation des finances publiques est plus que jamais de mise.
Le coût des mesures de relance a diminué, ce qui a contribué à réduire de 0,7 point de PIB le déficit public. La croissance en volume des dépenses publiques (0,6 %) a sensiblement ralenti par rapport à sa tendance des dix années précédentes (2,4 % par an). Ce ralentissement a résulté, pour les deux tiers, de la baisse des dépenses des collectivités territoriales, notamment de leurs investissements. Il a aussi concerné les administrations sociales.
En 2011, si les recettes des administrations publiques peuvent s’avérer conformes à la prévision du Gouvernement, le respect des objectifs de dépenses est loin d’être acquis. Le risque de dérapage est grand !
Or, la France part d'un déficit supérieur à la moyenne européenne et a fait le choix d'un redressement progressif de ses finances publiques, étalé sur une période relativement longue et fondé pour l'essentiel sur une modération de la dépense.
Mes chers collègues, quelques mots concernant les opérations extérieures : une fois n’est pas coutume, la sous-budgétisation en loi de finances initiale des OPEX – nous provisionnons près de 700 millions d’euros alors que nous savons pertinemment qu’il s’agit d’un besoin de près d’un milliard – conduit a une situation de tension sur ces lignes budgétaires.

5) Concernant les comptes sociaux
Beaucoup a déjà été fait : je pense à la réforme des retraites et au rétablissement de l’équilibre financier entre l’Etat et la Sécurité sociale.
Toutefois, le retour à l’équilibre des régimes de retraite en 2020 est loin d’être acquis et le déficit pourrait être supérieur à 12 Md€ selon la Cour des comptes. Même si la croissance de ses dépenses était limitée à 2,8 % par an, l’assurance maladie resterait de nombreuses années en déficit et celui-ci serait encore de 5 Md€ en 2020, à croissance de la masse salariale égale à celle des 12 dernières années. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a déjà prévu de transférer 130 Md€ de dettes portées par l’ACOSS à la CADES mais, à tendances inchangées, de nouveaux transferts seront inévitables, à hauteur de 100 à 120 Md€, à l’horizon de 2020, dont une partie au plus tard en 2013.

6) La situation de l’endettement est devenue préoccupante
Mes chers collègues, cela a été dit : nous approchons de la « zone dangereuse ».
La dette publique, qui a franchi le seuil de 80 % du PIB pour atteindre 82,3 % du PIB fin 2010 et dépasser 1 600 Md€ au début de 2011, continuera à augmenter alors que celle de l’Allemagne pourrait entamer sa décrue dès 2011. Si le déficit structurel était maintenu à 5 % du PIB, la dette française pourrait atteindre 90 % du PIB en 2012, 100 % en 2016 et 110 % en 2020.
Pour la première fois, le risque d’emballement de notre dette, dans un contexte de crise de la zone euro, paraît réel.
Nous devons être particulièrement vigilants au  niveau d’endettement, car la notation de la dette publique française est en jeu.

En conclusion, s’alarmer ne suffit pas, il faut prendre rapidement des mesures audacieuses afin de redresser nos comptes publics
Le redressement des finances publiques est une priorité incontournable. Il est indispensable pour consolider la reprise de la croissance. Plus inquiétant, la Cour des comptes juge indispensable le redressement « pour préserver la capacité des autorités nationales à arrêter en toute indépendance les principaux choix économiques et sociaux sur le devenir du pays. »
Au Nouveau Centre, nous sommes convaincus que pour respecter la trajectoire budgétaire, il faut porter l’effort à raison de deux tiers sur les dépenses et un tiers sur les recettes. Même si le principal doit porter sur les dépenses, il faut faire un effort significatif sur les prélèvements obligatoires. Certes, c’est ce que vous faites, mais en refusant de l’avouer. Comment faites-vous pour ramener le déficit à 3% en 2013 ? Vous augmentez les prélèvements obligatoires de baissez les dépenses.
La réduction des niches ne représente qu’une partie de cette augmentation des recettes. Pour notre part, nous préconisons une économie de 10 milliards d’euros par an sur les 73 milliards de niches fiscales et les 42 milliards de niches sociales, soit un effort de 8 à 10 %, maintenu sur trois ans.
Un effort structurel de réduction du déficit d’un point de PIB par an pendant cinq ans est nécessaire pour résorber le déficit structurel. Il permettrait de ramener la dette publique à 72 % du PIB en 2020 dixit la rue Cambon.
Dans tous les cas, il faut durcir la politique d'économies et augmenter légèrement la pression fiscalo-sociale. Par exemple, nous préconisons de tenir bon sur les mesures au sein de la fonction publique : maintien du gel indiciaire, maintien de la règle du non remplacement d'un départ sur deux avec un retour strict à l’esprit initial (« 50-50 »), blocage des mesures catégorielles et réduction du GVT.
Si la réduction du déficit de 2010 à 2011 a été relativement aisée du fait de l’extinction de mesures exceptionnelles, la réduction du déficit de 2011 à 2012 paraît autrement plus complexe.
Mes chers collègues, Monsieur le Ministre, plus que jamais il faut accentuer les efforts pour redresser nos finances publiques.

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