08.07.2016

Débat d'orientation budgétaire : intervention de Charles de Courson

François Hollande aura-t-il amélioré la situation des finances publiques de notre pays au terme de son mandat ? Ce débat devrait nous éclairer sur cette question puisque le Gouvernement, après plus de quatre années au pouvoir, présente aujourd’hui ses orientations en matière de finances publiques pour la dernière année du quinquennat.
Même si ceux qui y participent ne sont qu’une poignée, ce débat, rendez-vous essentiel de la procédure budgétaire, devrait être un moment démocratique fort, au cours duquel le Gouvernement associerait pleinement les parlementaires, de la majorité et de l’opposition, aux décisions économiques sur le point d’être mises en œuvre dans notre pays. Il n’en est toutefois rien. Je déplore à cet égard, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement, au mépris de la LOLF, nous ait transmis le tome I du rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques il y a seulement deux jours, soit cinq jours après le délai constitutionnel – fin juin – et même après la réunion de la commission des finances. Quant au tome II, personnellement, je ne l’ai obtenu qu’hier à vingt heures seize. Vous avouerez que ce manque de respect à l’égard du Parlement est inacceptable. Pour couronner le tout, le rapport de la rapporteure générale n’est toujours pas disponible à la distribution.

Mes chers collègues, où en sommes-nous, quatre ans après les engagements relatifs aux finances publiques pris par le candidat François Hollande ?
Parmi ses soixante engagements, je rappelle qu’il avait promis une croissance de 1,7 % en 2013, de 2 % en 2014 puis de 2,25 % en 2015, en 2016 et en 2017. La croissance a finalement été limitée à 0,4 % en 2013, à 0,6 % en 2014, à 1,3 % en 2015, à 1,5 % en 2016, et, pour 2017, la prévision s’établit à 1,5 %, ce qui n’est pas déraisonnable en l’état actuel des choses. Ainsi, sur le quinquennat, le taux cumulé de croissance sera de 5,3 %, contre 11 % dans ses promesses, soit moitié moins. Il reste d’ailleurs très inférieur aux taux de croissance que connaissent nos partenaires européens.
François Hollande avait également promis que la dette serait ramenée de 88,7 à 80,2 % du PIB entre 2012 et 2017. En fait, sur cette période, elle est passée de 89,6 à 96 % en 2017, augmentant de 6,4 points au lieu de baisser de 8,5 points. C’est presque du Brel : « T’as voulu voir la hausse et on a vu la baisse, T’as voulu voir la baisse et on a vu la hausse ». Mais 15 points d’écart ne représentent jamais que 330 milliards d’euros…
D’après les prévisions gouvernementales, la dette culminera à 96,2 % du PIB à la fin de cette année. Le Gouvernement n’aura donc pas réussi à éviter de décrocher en fin de mandature la médaille que je lui avais promise : la dette publique à 100 % du PIB.

En effet, grâce aux émissions sur souches anciennes, qui donnent l’illusion d’une moindre hausse de la dette, il ne fait que reporter ce fardeau sur les années suivantes. Le montant cumulé des primes d’émission de 2012 à 2015 a atteint 45,3 milliards. Si l’on extrapole des ordres de grandeur pour 2016 et 2017, on atteindra 80 à 90 milliards, soit plus de 4 points de PIB. Je vous félicite donc une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d’État, car vous avez, de fait, déjà dépassé les 100 %.
Le candidat François Hollande avait enfin promis – accrochez-vous bien, mes chers collègues – que le déficit public serait ramené à 3 % dès 2013 et à 0 % en 2017. En réalité, d’après vos propres prévisions, on en sera à 2,7 % de déficit en 2017, soit 60 milliards d’écart par rapport à vos promesses. Et le taux sera encore de 3,3 % en 2016, plaçant la France en queue de peloton puisque seuls quatre pays de l’Union européenne conservent un déficit effectif plus dégradé que le nôtre.
À ce sujet, je me suis livré à un petit calcul consistant à additionner les montants des déficits constatés de 2013 à 2015 et ceux des montants évalués pour 2016 et 2017 afin de comparer la somme totale aux engagements de François Hollande. Le résultat est le suivant : 17,6 points de PIB de déficit cumulé sur les cinq ans, contre 7,7 points si l’on s’en tient aux engagements. C’est plus du double.
Si le déficit de la Sécurité sociale recule légèrement en 2015, principalement d’ailleurs grâce à la réforme des retraites effectuée par l’ancienne majorité, celui de l’État – même si cela ne vous fait pas plaisir de l’entendre – est stable en 2015 : il n’a pas reculé. Je sais que cela vous gêne, mais la Cour des comptes réévalue le PIA – programme d’investissements d’avenir – pour tenir compte, comme tous les gens de bon sens sont d’accord pour le faire, de la dépense effective réalisée pour ce programme et non pas des sorties de crédits dont une bonne partie revient dans la trésorerie de l’État.

Elle formule la même remarque au sujet du MES – mécanisme européen de stabilité –, qui avait perturbé le calcul du déficit en 2014.
En réalité, la modeste réduction du déficit en 2015 repose à 70 % sur les collectivités locales. Vous menez à leur égard une politique de Shadok. La réduction excessive de leurs dotations – 10 % en 2015, 10 % en 2016 et 6 % ou 6,5 % en 2017 –, loin de contribuer au redressement de nos comptes publics, conduit au contraire à une chute dramatique de leurs investissements, avec des conséquences néfastes sur l’emploi. Et vous n’avez ensuite d’autre choix que de compenser ce mouvement par un fonds de soutien à l’investissement de 0,8 milliard en 2016, destiné à faire face à une chute des investissements des collectivités locales de l’ordre de 4,8 milliards en 2015.
Quant aux 2,7 % promis par le Gouvernement pour 2017, notre rapporteure générale indique qu’il faudrait abaisser le déficit d’environ 15,9 milliards d’euros sur les années 2016 et 2017 pour que l’objectif soit atteint. Ni la Commission européenne ni la Cour des comptes ne jugent un tel miracle possible, cette dernière soulignant même qu’« aucune indication n’est donnée sur les réformes à mettre en œuvre pour l’atteindre ».
Un mot sur les dépenses fiscales. Le candidat François Hollande avait promis de les réduire de 29 milliards, c’est-à-dire de 40 % puisqu’elles s’élevaient à 70,8 milliards en 2012. En fait, elles atteindront 83,9 milliards en 2016, ou, si l’on retire le CICE, 71,9 milliards tout de même. Là encore, les promesses n’ont pas été tenues.
François Fillon l’avait dit : l’État français est techniquement en faillite, puisque sa situation nette est négative d’environ 1 100 milliards d’euros – 1 600 milliards de dette pour 500 milliards d’actif, pour faire simple. Comme je n’ai plus beaucoup de temps de parole, je vais donc aborder tout de suite la question des économies.
Où en sommes-nous des 50 milliards d’économies annoncés ?
Tout d’abord, vous n’avez cessé de décaler l’effort vers la fin du quinquennat. En 2015, seulement un gros tiers des économies promises pour l’État a été réalisé : 3,3 milliards d’après la Cour des comptes, contre les 8,4 milliards que vous aviez annoncés. Quant aux économies faites sur les collectivités territoriales, je me tue à répéter qu’elles ne constituent pas une économie au niveau de la dépense publique consolidée, car cela dépend de la façon dont les collectivités territoriales réagissent à la baisse de 3,6 milliards de leur dotation.
Certes, on assiste à un début de freinage des dépenses de fonctionnement, mais les collectivités territoriales ont augmenté les impôts et massivement diminué les investissements. Cette politique est donc tout le contraire d’une stratégie d’avenir.
De plus, les 3,2 milliards d’économies chaque année sur les dépenses d’assurance maladie sont fictifs, puisqu’ils sont calculés par rapport à un tendanciel d’augmentation des dépenses qui remonte à plus de cinq ans. Il ne s’agit plus que d’une variation annuelle.
Bref, ces 50 milliards d’économies sont une plaisanterie.

Je vous ai démontré que pas plus d’un tiers n’a été réalisé.
Comme il me reste un peu plus d’une minute seulement, je terminerai mon propos en vous informant, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes désormais médaille d’argent de la dépense publique en Europe, juste derrière le Danemark. Mais toutes les dépenses nouvelles annoncées pour 2016, dont le poids s’amplifiera nettement en 2017 et les années suivantes, vous permettront sans doute de hisser la France sur la dernière marche du podium.
Vous faites ainsi peser sur vos successeurs non seulement vos cadeaux électoraux – depuis plusieurs mois en effet, vous ne cessez de faire des chèques sans provision –, mais également vos réformes inabouties, puisque la réforme de la DGF et le prélèvement à la source n’entreront en vigueur qu’en 2018. Vous donnez vraiment l’impression d’être en fin de cycle, reportant tout sur vos successeurs.
Mais il est une autre promesse non tenue : la promesse de pause fiscale, qui me permet aujourd’hui de vous décerner la médaille d’or européenne des prélèvements obligatoires puisqu’en 2016, la France, avec ses 44,5 % de prélèvements obligatoires par rapport au PIB, dépasse désormais le Danemark et la Finlande.

Je vous remettrai tout à l’heure cette médaille que je vous avais promise.
Alors que nos voisins se sont engagés dans une politique de baisse des prélèvements obligatoires, vous avez emprunté le chemin inverse jusqu’en 2015, et ce ne sont pas les maigres baisses d’impôts, notamment sur les ménages modestes, décidées dans l’urgence pour calmer la révolte fiscale de nos concitoyens, qui permettront d’annuler ces hausses massives.

L’année 2017 s’annonce donc comme la preuve ultime que le quinquennat de François Hollande aura bien été celui des illusions perdues. 

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