12.10.2011

Convention "TPE – PME : l’avenir de la croissance française" : Discours d'Hervé Morin

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Je veux tout d’abord remercier tous les intervenants d’être là et vous dire que nous serons, pour la campagne présidentielle, le parti des PME. Nous serons le parti qui portera l’idée qu’à travers les petites et les moyennes entreprises, les TPE, le commerce et l’artisanat, il y a la richesse qui permet l’innovation, la solidarité, le financement des écoles, le financement de nos infrastructures, et qui permet aussi la cohésion sociale. Nous porterons l’idée qu’en France, il y a encore toutes les capacités d’innovation, de création et toute l’énergie nécessaire – pas seulement dans les banlieues – pour que notre pays retrouve la prospérité, le dynamisme et surtout un peu d’optimisme.

Nous sommes dans la configuration ahurissante d’un pays qui est encore la cinquième puissance économique du monde, un pays qui fait l’essentiel de ses échanges avec la zone euro et une partie du monde et qui donne pourtant à un candidat prônant la démondialisation  – certes dans le cadre d’une primaire - près de 20 % des suffrages. Cela montre à quel point pèse aujourd’hui comme une chape de plomb sur la France l’idée que, grosso modo, il faut avoir peur de l’étranger, peur de l’autre, peur de l’ouverture, peur du risque, peur de la concurrence et peur de la compétition.

L’idée de la démondialisation ce n’est rien d’autre que la disparition progressive des écrans radars de la France. L’histoire de l’humanité montre une chose : toutes les civilisations qui ont refusé la concurrence, la compétition et l’ouverture ont fini par mourir. Voilà la réalité. On oublie, même si nous avons des difficultés considérables, que ce petit pays, la France, qui représente 1 % de la population mondiale, représente encore 5 % des échanges mondiaux. Quand on évoque l’idée de la démondialisation avec la menace des pays émergents, on oublie de dire que nous réalisons 70 % de nos échanges au sein de l’Union européenne, essentiellement dans la zone euro, avec des pays ayant le même niveau de salaire et le même niveau de protection sociale que nous, sinon parfois avec des salaires et des régimes de protection sociale meilleurs que les nôtres si l’on prend les pays du nord de l’Europe. Conclusion : prôner la démondialisation, c’est refuser de regarder les choses en face.

Derrière la démondialisation, il y a l’idée du protectionnisme. Derrière l’idée du protectionnisme, il y a l’idée simple que nous pourrions continuer à exporter et à vendre nos produits et de dire aux autres qu’ils ne sont pas les bienvenus.

 

Mesdames et Messieurs,

Comme vous le savez, j’ai été ministre de la Défense pendant trois années et demie. Le temps où vous pouvez vendre, comme dans un pays colonial, pendant que, dans le même temps, les autres vous vendraient des matières premières, est révolu. Lorsque vous décidez un échange commercial, c’est un échange qui, désormais, est à double sens. L’idée que le protectionnisme pourrait s’effectuer dans un sens avec des barrières comme la barrière environnementale est une idée folle, car elle ne repose plus sur l’idée que se fait le monde des échanges, c’est-à-dire d’une relation équilibrée entre deux États. Par ailleurs, quand on évoque par exemple la question de la protection environnementale, on oublie de dire une chose qui a été démontrée dans un rapport l’année dernière : si l’on a une protection environnementale, par exemple une taxe carbone aux frontières, on doit garder à l’esprit que nos exportations sont plus riches en CO2 que les exportations chinoises. Cela poserait un vrai problème si l’on décidait de faire de cette taxe carbone un critère de protectionnisme.

Alors, plutôt que de défendre ces idées-là, je préfère que nous soyons la formation politique qui porte un message optimiste : nous avons en nous l’énergie, l’intelligence, l’innovation et la créativité nécessaires pour faire de la France un pays de production, un pays d’entreprise et un pays capable d’affronter la mondialisation à armes égales avec les autres.

Voilà mon premier message.

Mon deuxième message, c’est qu’il y a au-delà des PME, des sujets majeurs, qui concernent la compétitivité et la performance de l’économie française. Je n’évoque pas la question de l’endettement du pays et de ses déficits. Je n’évoque pas le niveau de ses prélèvements obligatoires et donc de son niveau de dépense publique ou de sa structure en matière d’éducation et de formation. Vous savez comme moi, le suicide collectif que représente un pays qui accepte que 200 000 jeunes sortent chaque année de CM2 sans savoir lire, écrire et compter. Je suis allé il y a quelques mois dans une zone urbaine sensible à Metz où le Principal du collège me disait que moins de 15 % des élèves iraient jusqu’au Bac. C’est simplement l’expression d’un pays qui a décidé de sacrifier une partie de sa jeunesse chaque année.

Troisième remarque liminaire avant d’aborder mes propositions : les PME – j’imagine qu’Aziz Senni et Nathalie Lebas l’ont dit tout à l’heure en introduction et je les remercie pour leurs 99 propositions pour les TPE-PME, vous en retrouverez quelques-unes dans mon discours –, c’est 60 % de la TVA, c’est 70 % de l’emploi, c’est l’essentiel du tissu économique dans les villages. Moi qui suis en zone rurale, je le sais mieux que quiconque. Nos PME ou nos TPE doivent être les entreprises intermédiaires de demain, celles qui nous permettront de rester un pays performant capable d’affronter le monde étranger.

Je voudrais à présent vous présenter six propositions comme les cinq doigts de la main si je puis dire ! Ce sont six propositions sur six sujets majeurs.

1ère proposition : la structure de nos prélèvements. Ce n’est pas un sujet propre aux PME et aux TPE, mais je souhaite que nous soyons ceux qui, constamment, faisions la pédagogie sur un sujet central : la réduction massive des charges sociales et le transfert de ces charges sociales sur la TVA éventuellement couplée à une taxe carbone qui, elle, ne serait pas protectionniste mais qui serait une taxe qui frapperait tous les produits, que ce soit des produits importés ou des produits fabriqués en France.

Cette TVA sociale – je vous le rappelle parce que nous avons besoin d’en faire la pédagogie permanente – aurait quatre vertus.

La première vertu, c’est bien entendu de redonner du pouvoir d’achat aux salariés.

La deuxième vertu, c’est d’améliorer la compétitivité de l’économie française dans la zone euro – je vous rappelle que le différentiel de charges entre la France et l’Allemagne, chiffre de l’OCDE, entre 2000 et 2010, s’établit à 22 %. Quand les charges sociales ont augmenté d’un peu plus de 10 % en Allemagne, elles ont augmenté de plus de 30 % en France. Ainsi, nous avons perdu l’avantage comparatif que nous avions par rapport à l’industrie allemande.

La troisième vertu de la TVA sociale, c’est que nous pourrons ainsi faire une dévaluation sans le dire. En effet, les produits que nous fabriquerons sortiront moins chers des usines et les produits que nous intégrerons dans l’économie au moment de l’importation prendront une hausse qui serait liée à l’application de la TVA.

La quatrième vertu, grand pays touristique que nous sommes, c’est que les 77 millions de touristes qui consomment en France chaque année paieront une partie de notre protection sociale.

Quand on dit que la TVA sociale serait injuste parce que celui qui gagne 100 euros ou 10 000 euros paierait la même chose, je vous rappelle que c’est exactement la même chose avec les cotisations sociales. J’achète dans l’excellente boulangerie de mon village d’Épaignes ma baguette tradition 1,05 euro. Aujourd’hui, mon boulanger me la vend 1,05 euro parce qu’il y intègre dans ses coûts de production les charges sociales. Or quel que soit votre revenu, votre baguette vous coûte le même prix. Or si vous réduisez les charges sociales, votre baguette sortira moins cher du fournil. Elle va peut-être sortir à 0,80 euro. Et ensuite, il y aura la TVA. Donc, d’un côté, on a internalisé, et, de l’autre, on a externalisé, mais la situation reste radicalement la même en termes d’injustice ou d’inégalité. L’idée que, d’un côté, il y aurait une charge ou un prélèvement qui serait juste (les cotisations sociales) et que, de l’autre, il y aurait une TVA qui serait injuste est radicalement fausse, car il s’agit simplement de voir au moment où s’effectue le prélèvement pour un prix qui restera le même.

L’instauration de cette TVA sociale, comme cela s’est fait en Allemagne, devra s’inscrire dans le cadre d’un Grenelle ou d’un « Matignon » au lendemain de élection présidentielle. Ce n’est pas simplement un cadeau comme on l’a fait dans la restauration, mais c’est l’ensemble des partenaires sociaux et économiques qui se mettent autour de la table pour voir comment s’effectue la répartition entre, d’un côté, l’amélioration de la performance économique des entreprises françaises et, de l’autre, l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés. C’est ainsi que nous concevons les choses et c’est ainsi que nous défendrons la TVA sociale au moment de l’élection présidentielle.

2emeproposition : elle porte sur la création d’entreprise. Reprenons les différentes étapes de la vie des TPE-PME. Dans le cadre de mon Tour de France, j’ai visité l’incubateur d’HEC, j’ai aussi vu celui de l’ESSEC, et je suis allé rencontrer des jeunes créateurs d’entreprise à Bordeaux. J’ai réalisé un important travail sur ce sujet-là. J’observe que beaucoup de choses se sont améliorées, il faut le dire. Il existe aujourd’hui des mécanismes même si on leur reproche souvent leur lenteur. On a tout de même mis en place, grâce à Oséo, différents outils qui permettent d’aider à la création d’entreprise.

La première chose que l’on pourrait faire, c’est de simplifier. La multitude des anecdotes qui ont pu m’être livrées est sidérante, avec des parcours différents en fonction du Pôle Emploi dans lequel vous êtes, en fonction de la caisse de sécurité sociale ou de la caisse de retraite dans laquelle vous êtes. Bref, tout cela n’est absolument pas normalisé. Nous pourrions imaginer l’idée d’un guide, qui ne ferait pas plus de deux pages, qui serait une sorte de « check list » que devrait contrôler le créateur d’entreprise pour avoir la certitude qu’il ne passe pas à côté d’une étape de la création de son entreprise avec, en même temps, l’harmonisation de l’ensemble des dispositifs. Savez-vous, Mesdames et Messieurs, – c’est dans le rapport Attali – combien il y a de mécanismes d’aide à la création d’entreprise en France ? Il y en a 250. Savez-vous combien il y a de mécanismes d’aide aux entreprises françaises au-delà de la création ? Il y en a 1 500. Cela vous donne une idée de ce que représentent le maquis et la complexité pour le créateur d’entreprise qui, par ailleurs, n’a pas de statut. Le créateur d’entreprise, que fait-il en général ? J’ai souvent évoqué ce sujet avec eux. C’est un salarié qui décide de bénéficier des Assedic et qui va vivre, le temps que son entreprise émerge, des allocations chômage. D’ailleurs, c’est prévu par les Assedic. Cependant, les Assedic ne prévoient pas de statut de créateur d’entreprise. Donc, ils sont obligés de tricher en permanence sur les déclarations qu’ils sont amenés à faire régulièrement au sein des Assedic. Créons un statut de créateur d’entreprise au sein des Assedic pour que l’on n’ajoute pas du stress administratif au stress lié à la création d’entreprise. 

Au-delà de la création, se pose aussi la question du financement du développement de l’entreprise. Je suis allé en Israël étudier cette formidable machine d’incubation que représente le système israélien. En Israël, vous avez une vingtaine de sociétés incubatrices, appelons-les ainsi. Ces sociétés sont gérées par d’anciens dirigeants d’entreprise. Elles sélectionnent des projets, qui sont considérés comme des projets innovants, riches en création de valeurs et capables de porter de nouveaux produits ou de s’ouvrir vers de nouveaux marchés. Ces sociétés adressent les projets retenus à une agence nationale qui les agrée. Savez-vous combien peut toucher  un créateur d’entreprise de l’État israélien via ces sociétés pour la création de son entreprise ? Il peut toucher jusqu’à 450 000 dollars. 85 % de son investissement peut ainsi être pris en charge dans ces sociétés incubatrices, dans ces couveuses, et pendant 2 ans, la totalité de la complexité administrative et sociale est gérée par la société. On dit ainsi au créateur : Monsieur, vous n’avez rien à faire si ce n’est de développer votre entreprise. Vous avez 450 000 euros possibles au maximum en fonds propres, 15 % d’apport personnel. Les Israéliens considèrent que ce dispositif leur a coûté 500 millions de dollars et qu’il leur a rapporté en recettes fiscales 2 milliards de dollars grâce à la richesse générée par les entreprises qui se sont développées.

J’ajoute que nous pouvons, et que nous pourrions, proposer un mécanisme qui soit un levier massif de financements. Que vous disent les créateurs d’entreprise ? Qu’il est somme tout assez simple de lever 30 000, 40 000 ou 50 000 euros ; qu’Oséo les aide à  obtenir un prêt bancaire ou à  compléter un tour de table. En revanche, dès qu’il s’agit de lever 100 000, 200 000 ou 300 000 euros, cela devient extrêmement difficile. Si en plus de cela on est sur des secteurs extrêmement innovants, les business plan sont très difficiles à monter et les créateurs d’entreprise ont beaucoup de mal à convaincre les banques.

C’est la raison pour laquelle je propose que nous mettions en place un régime de déduction fiscale qui serait financé par la suppression de dizaines de régimes d’aide dont le maquis est absolument ahurissant, qui serait comparable à ce qui peut exister à la fois en Israël, en Angleterre et en Allemagne, à savoir la possibilité de déduire de votre impôt sur le revenu, en s’inspirant en quelque sorte de ce qui a pu se faire au titre de la loi TEPA, jusqu’à 200 000 euros. En Angleterre, vous pouvez déduire de votre impôt sur le revenu 200 000 livres dès lors que vous les investissez dans des secteurs innovants et dans des entreprises en fonds propres pour leur permettre de financer leur développement et aussi, à travers une meilleure structure de bilan, de pouvoir accéder plus facilement aux banques. Voilà un modèle qui existe en Israël, qui existe dans certains pays européens et qui serait un vecteur majeur et massif d’amélioration des fonds propres et des capitaux propres des entreprises.

3emeproposition : elle concerne les banques. Nous avons besoin d’introduire de la transparence. C’est l’une des propositions qui a été faite dans le rapport d’Aziz Senni et de Nathalie Lebas. Il faut obliger les établissements bancaires à publier chaque année, de façon extrêmement précise, les concours bancaires, les concours en emprunt et les crédits qu’elles octroient au profit des petites et des moyennes entreprises avec, comme vous le proposez dans votre document, des chiffrages très précis pour que l’on ne mélange pas des carottes et des pommes de terre, ce qui aboutirait à maquiller les résultats. Je pense que face à l’inertie bancaire, la seule solution réelle, c’est la transparence. C’est comme sur les hauts salaires : quand on évoque éventuellement les revenus très élevés des patrons des grands groupes – qui sont en effet indécents –, la seule solution pour les limiter – il n’en existe pas d’autre –, c’est la transparence, l’opinion publique. Je suis convaincu que pour les banques, c’est aussi l’opinion publique qui permettrait de faire la vérité et d’inciter éventuellement les banques à mieux apporter leur concours au financement de l’économie.

J’ajoute que la proposition et la réforme gouvernementale qui a été celle du médiateur doivent continuer de nous inspirer. J’ai vu dans mon département un certain nombre d’entreprises qui ont été en difficulté au moment de la crise de 2008 et qui, grâce au médiateur de crédit, ont pu se sortir du mauvais pas dans lequel elles étaient. Je pense que cette institution-là doit être pérennisée.

 

4emeproposition : elle porte sur le marché du travail. Combien de fois ai-je entendu des patrons me dire : je n’embauche pas parce que si j’ai un trou d’activité dans quelques mois, j’ai le risque du licenciement et j’ai la lourdeur du droit du travail qui fait que, finalement, je n’ose pas et je préfère rester en dessous de la main.

Disons-le aussi, quand l’entreprise Oxygène au Mans explique que pour 100 demandeurs d’emploi, lors de la convocation, vous avez 60 personnes qui se présentent ; et que parmi ces 60, il n’y en a que 40 à l’issue du premier entretien général qui viennent simplement pour qu’on leur tamponne leur papier. Au final, l’entreprise se retrouve avec à peine  5 à 10 prétendants réels à l’offre d’emploi qui leur est proposée. Il y a là un vrai sujet.

Je ne dis pas que tous les demandeurs d’emploi sont dans cette situation, loin s’en faut. Il y a des tas de  personnes qui recherchent avec beaucoup d’énergie, de pugnacité, de volonté et qui souhaitent s’en sortir. En effet, et vous avez raison de le dire. Mais, en même temps, je le dis, il faut que l’on change notre modèle qui empêche la création d’emplois autant qu’on le voudrait. Je suis convaincu de cela.

À cela, je fais une proposition majeure : la suppression du CDD et du CDI et la construction d’un droit du travail reposant sur un contrat de travail unique à droits progressifs pour supprimer cette barrière entre CDD et CDI qui est un facteur majeur de précarité.

Savez-vous quel est le pourcentage de déclarations uniques d’embauche qui sont des CDD de moins d’un mois ? Il est de 80 %. En effet, 80 % des embauches en France aujourd’hui sont des embauches pour des CDD de moins d’un mois. Cela signifie qu’on a tellement rigidifié le droit du travail, qu’on en a précarisé les salariés. Face à un droit du travail apparaissant comme si menaçant pour l’employeur, celui-ci a trouvé la réponse : c’est l’intérim et le CDD. Le CDD lui-même est très rigide puisque, pendant la période du CDD, on ne peut plus toucher aux conditions du contrat.

Je propose donc un contrat de travail unique à droits progressifs où l’on acquiert des droits au fur et à mesure des mois que l’on passe dans l’entreprise et, en contrepartie de ces droits à allocation-chômage et à formation auxquels on peut ainsi accéder, on donne de la souplesse à l’entreprise pour pouvoir faire évoluer ses effectifs en fonction de ses marchés et de ses commandes. J’ajoute que nous pourrions tout à fait imaginer un bonus-malus qui permettrait, au fur et à mesure de la durée d’embauche du salarié, que les cotisations chômage viennent à baisser au fur et à mesure des années écoulées dans l’entreprise. Cette proposition a été faite à  plusieurs reprises par le passé. Elle faisait d’ailleurs partie des propositions de Nicolas SARKOZY lors de la campagne  présidentielle de 2007, s’inspirant d’un célèbre rapport de l’économiste Francis KRAMARZ. Je veux que nous abordions ce sujet avec courage, non pas pour demander la précarisation absolue, mais pour faire en sorte que l’économie française puisse tourner à plein régime et donc qu’elle puisse embaucher à plein régime.

Il faut aussi prendre à bras le corps le problème des discriminations à l’embauche.

Les études menées par Jean-François AMADIEU, professeur à l’Université de Paris 1 sont édifiantes : à CV identiques, vous avez 4 fois moins de chance d’avoir un entretien d’embauche quand vous vous appelez Aziz SENNI et si vous avez un CV nettement meilleur, vous avez tout de même 3 fois moins de chance de pouvoir bénéficier du premier entretien d’embauche. On sait bien que c’est avant le premier entretien que l’essentiel de la discrimination se fait. Dès lors que vous êtes en face de la personne, c’est fini, vous n’avez plus les mêmes réticences, votre regard change forcément puisque vous avez en face de vous une personne. Aux États-Unis, ils ont réglé la chose très simplement avec la possibilité d’établir des statistiques ethniques et ainsi, chaque entreprise est obligée de faire un rapport annuel sur ses embauches et de justifier pourquoi, éventuellement, ses recrutements ne sont pas conformes à la situation de la population sur le marché de l’emploi.

En France, c’est rigoureusement interdit et je pense que c’est bien. Nous avons été, nous centristes, les défenseurs du CV anonyme. C’est nous qui l’avons introduit dans la loi. Est-ce que cela a changé les choses ? Je ne le crois pas. Je suis tenté de dire qu’il faut faire appliquer la loi pénale dans toute sa grandeur et dans toute sa splendeur, mais que cela ne règle pas les choses. Nous avons le même problème avec les seniors. J’ai participé à une table ronde la semaine dernière sur ce thème. La vraie discrimination, c’est dans l’emploi des seniors qu’elle est. Pour moi, il ne faut pas mettre en place des dispositifs, il ne faut pas mettre en place des systèmes incitatifs. Le marché du travail doit être appréhendé dans sa globalité. La vraie question est aussi dans les têtes. Quand on a 35 ou 40 ans, on n’a pas envie d’embaucher quelqu’un de 55 ou de 60 ans, car on craint que le mécanisme d’autorité et de relation dans le travail ne soit perturbé par la différence d’âge. C’est d’abord et avant tout un frein culturel et mental. Je pense qu’il y a probablement des campagnes de communication à mener au niveau national pour faire en sorte de faire bouger les lignes.

J’ajoute enfin, Mesdames et Messieurs, que les grandes écoles françaises forment des étudiants étrangers par centaines voire par milliers. On les forme avec une partie de nos impôts et avec notre intelligence, notre matière grise et notre savoir-faire. En allant dans ces grandes écoles, j’ai découvert une chose absolument incroyable : du fait des circulaires qui ont été signées par le ministre de l’Intérieur il y a quelques mois, on prive l’économie française d’hommes et de femmes que l’on a accueillis sur le sol français pour leur proposer nos grandes écoles et, au lendemain de leur formation et de leur sortie d’HEC, de l’ESSEC, des grandes écoles d’ingénieur, on leur dit « partez, il n’y a rien à voir ».

Imaginez le message de fermeture de la société française qui est adressé à cette jeunesse, qui correspond à l’élite mondiale de demain. Je suis allé à HEC il y a quelques jours. Le patron d’HEC m’évoquait la situation d’une dizaine d’étudiants sortant de son école, disposant un contrat de travail avec une entreprise sur des compétences que, malheureusement, nous n’avons pas suffisamment en général, qui sont renvoyés en dehors du territoire national parce que le passage d’étudiant à salarié correspond à un changement de statut. Avec la fermeture ou, tout du moins, avec l’introduction de règles plus contraignantes, on met dehors ces personnes alors que l’économie française en a besoin. Quel message adresse-t-on quand on est incapable d’accueillir ceux à qui l’on a donné la compétence pour pouvoir réussir dans la vie ?

Je voudrais aussi dire un mot de la formation par alternance. Tout le monde nous dit qu’il faut développer ce modèle de formation. Que ce soit l’apprentissage, que ce soit les autres formes, peu importe, il faut les développer. Mais nous ne réussirons qu’à condition de lever les freins de l’Éducation nationale sur le sujet, en changeant le regard porté sur ces formations par alternance. Ce ne sont pas des voies de garage pour ceux qui ne réussiraient pas dans l’enseignement général. Les choses sont heureusement en train de changer car on peut désormais devenir ingénieur par l’apprentissage. Les nombreux élèves que j’ai rencontrés en visitant des lycées professionnels me l’ont tous dit : « Il n’y a pas de raison que nous ne soyons pas reconnus comme les autres, que nous ne soyons pas reconnus comme des étudiants. Comme nous avons un contrat de travail, nous n’avons pas le droit aux complémentaires étudiantes. Comme nous avons un contrat de travail dans les régions où l’on finance le permis de conduire, nous n’y avons pas droit. Quand nous allons à la banque, comme nous sommes considérés comme des salariés et que nous touchons 400 ou 500 euros par mois, bien entendu, nous n’avons pas accès aux banques et nous n’avons même pas accès aux prêts étudiants auxquels peuvent avoir accès des étudiants qui sont à l’université ou dans une école. ». Commençons donc par mieux reconnaître ces formations-là en leur donnant les mêmes droits que ceux ouverts aux étudiants. Je me souviens avoir visité avec Nathalie Lebas ce lycée professionnel dans l’Oise qui était notamment dédié à la métallurgie. Le président de cette très belle entreprise m’avait alors dit : « Pourquoi l’Allemagne a-t-elle pu autant développer l’apprentissage ? C’est parce que quand on est apprenti en Allemagne, on peut devenir président d’une entreprise du CAC 40. » Or, en France, vous le savez, si vous ne sortez pas d’une des grandes écoles de la République, vous n’avez quasiment aucune chance d’être dans le board de ces grandes entreprises. Il y a là un verrou culturel et intellectuel qu’il faut lever en considérant qu’il n’y a pas d’un côté des formations d’excellence, qui sont les voies royales, et de l’autre des formations qui ne vous amèneraient pas au même niveau de responsabilité.

 

5emeproposition : aider les PME à croître.  Je suis favorable au « Small Business Act » à la française qu’Aziz Senni et Nathalie Lebas préfèrent qualifier, et ils ont raison, de « Marché Public Solidaire ».  Je suis maire d’une commune de 1 400 habitants et président d’une communauté de communes. Je constate une chose : à chaque fois que je fais des appels d’offres, ce sont essentiellement des grands groupes qui répondent et ce même dans des petites communes. Pourquoi ? Ce n’est pas tellement parce que les grands groupes sont mieux armés. C’est plutôt parce que la complexité administrative est telle que les artisans ou les patrons de PME ou de TPE n’entrent jamais dans le processus de l’appel d’offres et de sa complexité administrative. Voilà pourquoi j’estime qu’il nous faut créer un marché public solidaire.

J’ajoute par ailleurs, de mon expérience de ministre de la Défense, que nous devrions davantage nous appuyer sur ce ministère. En clair, le secteur de la Défense échappe en grande partie aux règles de concurrence pure et parfaite. Le ministère de la Défense, comme le font très bien les Italiens, pourrait être un vecteur et un acteur du développement de PME innovantes qui seraient sur des marchés dont on pourrait estimer qu’ils ont des activités duales. J’ai commencé à le faire quand j’étais ministre avec un fond particulier dédié à cette innovation duale. Je pense que le budget d’investissement du ministère de la Défense pourrait favoriser le développement d’un certain nombre de PME innovantes dans des secteurs de haute technologie et pour lesquels on pourrait ainsi s’extraire des règles très contraignantes auxquelles nous sommes soumis.

Je propose par ailleurs l’instauration d’un taux d’impôt sur les sociétés réduit dès lors qu’il s’agit d’un bénéfice réinvesti dans l’entreprise. Voilà une proposition simple. Faisons en sorte qu’une partie du bénéfice réinvesti soit soumise à une taxation réduite parce que participant au financement du développement de l’entreprise.

6eme et dernière proposition : garantir la stabilité juridique et fiscale. C’est la première demande de tous les acteurs économiques, d’ailleurs de tous les acteurs sociaux, que ce soit du champ de la réinsertion, du retour au travail ou même du monde judiciaire. La complexité juridique et fiscale, quand on est dans un grand groupe, on la gère même si cela coûte. J’ai tellement entendu de fois lors de tables rondes, des patrons de PME m’interpellant ainsi : « Nous avons fait le tour de tous les sujets. Nous n’avons qu’une seule demande à vous faire : laissez-nous tranquilles. Arrêtez de changer les lois tous les ans. Arrêtez de changer de dispositifs fiscaux tous les 6 mois ».

C’est la réalité de l’instabilité juridique française. J’ai en mémoire cette visite au pôle solaire de Chambéry qui regroupe une quinzaine d’entreprise. Je me souviens de ce que m’avait alors dit le patron de Clipsol, la plus belle entreprise du domaine du solaire : « J’avais de grands projets d’investissement. Nous avons tout arrêté. Vous changez le prix du rachat d’électricité 3 fois dans l’année. Vous changez les normes sur les produits tous les 4 mois. Et vous changez les procédures d’agrément et d’habilitation, notamment en matière d’urbanisme, tous les 6 mois. Malgré tout cela, vous voudriez que nous continuions à décider de développer et à investir massivement dans un secteur où vous nous dites que c’est formidablement créateur d’emplois. Mais regardez ce qui se passe en Allemagne : nous avons 10 ans de retard. La première chose que nous vous demandons, c’est de nous donner un environnement juridique et fiscal stabilisé».

Ce sujet-là est central. A la question de savoir quelle serait la première mesure que je prendrais au lendemain de l’élection présidentielle à l’égard des PME, au-delà de la question de la TVA sociale, je répondrais une seule chose : dès lors que le Parlement a voté une loi, je m’engage à ne plus la changer durant toute la législature. Si vous regardez la loi TEPA de 2007, qui a été considérée comme la grande loi économique du Président de la République, vous verrez que tous les dispositifs inventés ont été changés chaque année sinon deux ou trois fois par an. Je veux bien qu’il y ait eu la crise de 2008, mais ce que je demande, c’est que l’on donne aux acteurs économiques comme d’ailleurs aux autres acteurs, la stabilité nécessaire pour leur permettre d’investir, de se développer et de se sentir assurés sur leur base.

Voilà ce que je voulais vous dire en conclusion de cette convention sur les  TPE et les PME. Ayez en tête, pour ceux qui sont militants du Nouveau Centre et qui sont nombreux dans cette salle, que nous serons, durant cette campagne présidentielle, les porteurs d’un message simple : la France est capable d’innover, la France est capable de créer, les Français sont pleins d’énergie, il faut simplement faire en sorte de donner à cette France-là, les moyens de pouvoir s’épanouir et de laisser libre cours à sa créativité.

Je vous remercie.

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