07.03.2011

Convention "Où sont les femmes ?" : Discours d'Hervé Morin

Mesdames et Messieurs,

Lorsque l’on aborde le thème des Femmes, on se rend rapidement compte que tout a été dit, écrit, analysé ; toutes les déclarations de bonnes intentions ont été faites et toutes les chartes existent sur le sujet, qu’il s’agisse de celles des Nations Unies, des institutions européennes ou des déclarations successives des hommes politiques au pouvoir.

Je constate pourtant que globalement si on a à peu près tout dit sur le sujet, on n'a avancé sur rien, on l’a bien vu tout au long des interventions de cet après-midi.

Sur cette question, je voudrais simplement vous dire que pour moi, on en revient toujours au même sujet. Je veux défendre l'idée d'une société de la reconnaissance, afin que chacune et chacun soit reconnu pour ce qu'il apporte à la société française. Je suis convaincu que la question de la place des femmes dans la société française est d'abord et avant tout une question de reconnaissance. La question est de savoir quelle place l’on accorde aux femmes.

C'est tout d'abord une question de justice, bien entendu. On peut légitimement se demander en vertu de quoi une femme faisant le même travail qu'un homme, à qualification égale, n'aurait pas droit au même salaire.

Mais, c'est également une question de progrès car je suis intimement convaincu qu'une société qui fait une plus large place aux femmes est une société qui aborde le progrès différemment que si c'est une société masculine. Le progrès économique, lorsqu’il est conçu, abordé et approché par des femmes, intègre l'idée du progrès social et du progrès sociétal.

Comme lorsque l'on parle de la reconnaissance et du besoin d'être reconnu de la France héritière de l'immigration, lorsque l’on aborde la question de la reconnaissance quand il s'agit du monde agricole, qui ne comprend pas qu’on l’accuse de tous les maux, alors qu’il a la mission fondamentale de nourrir la société française, ou lorsqu’il s’agit du monde de l’éducation qui souhaite être reconnu comme ayant une mission fondamentale pour l'avenir de la société ; je voudrais donc que nous parlions avant tout d’un problème de reconnaissance de la place de la femme.

I – FAIRE DE L’EGALITE HOMMES-FEMMES UN DES GRANDS PILIERS DE NOTRE REPUBLIQUE

Mesdames et Messieurs,

Vous le savez, je souhaite que nous construisions un nouveau pacte social, dans lequel nous ferions une plus large place aux corps intermédiaires. Je pense que la société française ne doit plus être considérée comme une société verticale fondée sur le culte de l’homme providentiel, capable de tout régler. Je pense que la société française doit être vécue comme une société adulte et moderne ; une société dans laquelle on fait confiance à la vitalité, à l'énergie, aux forces de l’innovation, aux forces de créativité, aux associations, aux fondations, au mutualisme et au secteur coopératif pour régler et traiter un certain nombre de sujets. Je pense qu'il y a une vitalité absolument extraordinaire dans notre pays et qu'il faut s'appuyer sur elle pour construire une société nouvelle.

Ces organisations sociales et ces corps intermédiaires auxquels il faut redonner une place majeure doivent se mouvoir selon quelques grands principes. Nous pourrions estimer que les grands principes de ce contrat social sont bien entendu la démocratie, le suffrage universel et l’idée de responsabilité individuelle. Mais, selon moi, l’un des grands principes qui devraient être intangibles et constituer l’une des lignes directrices majeures de la société française est l'égalité entre les hommes et les femmes. Cela ferait partie des grands piliers de la Maison commune que nous voulons construire, comme le suffrage universel, comme la solidarité entre les générations et comme le principe de laïcité, non pas simplement une politique parmi les autres, mais un principe républicain fondamental qui ordonne la société française.

Mesdames et Messieurs,

Je suis convaincu que tant que l’on restera dans les déclarations de principe, il y aura certes une prise de conscience collective mais l'évolution des mœurs se fera lentement. C’est pourquoi, moi qui suis si attentif à l'idée de libertés individuelles et collectives et même si je le regrette, je pense que l'on doit passer de l'intention et du déclaratif au droit opposable, à l'incitation et à la sanction.

Vous voyez bien que, sinon, les choses évoluent au rythme de l'évolution de nos sociétés sans que l’on ressente l’urgence de s'occuper de ce problème majeur.

Même si les entreprises en font l’une de leurs priorités affichées, je pense qu'il faut les mettre au pied du mur. On ne me fera pas croire qu'une entreprise du CAC 40, qui dégage 14 ou 15 Milliards d’euros de bénéfices, n'est pas capable de dégager quelques dizaines de millions d’euros pour assurer l'égalité entre les hommes et les femmes en matière salariale.

II - LA PLACE DES FEMMES DANS LA DEMOCRATIE FRANÇAISE

Mesdames et Messieurs,

S’agissant ensuite des différents sujets que nous avons abordés au cours de notre convention notamment celui de la place des femmes dans la démocratie française, le constat est clair : la France est profondément en retard sur le sujet.

J'ajoute sans démagogie aucune que j'ai toujours observé le comportement des femmes en politique. Je le dis car je crois profondément que lorsque les femmes décident de s'engager en politique, elles s'engagent à fond. Je l'ai particulièrement constaté lorsque j’ai dû composer notre liste aux élections régionales de 2004 en Haute-Normandie.

Combien de femmes avons-nous contacté, qui étaient intéressées, qui avaient un engagement associatif considérable mais qui ne disaient jamais oui d'office ? Les hommes, eux, disent oui d'office. Elles disaient : « Laissez-moi le temps de réfléchir et je vous donnerai ma réponse dans quelques jours ». Avant de répondre, elles voulaient savoir quels étaient leurs engagements et bien souvent, elles finissaient par vous dire non, avec une idée simple : « Je suis déjà considérablement engagée dans ma vie professionnelle et dans ma vie associative et je n'aurai pas le temps d’assumer la totalité des fonctions que vous voulez me faire prendre ».

D’une part, elles ont un comportement politique différent et d’autre part, au-delà de l’idée de progrès que j’évoquais tout à l'heure, les femmes en politique sont généralement plus courageuses. Elles sont capables d'affronter avec beaucoup plus de pugnacité et de volonté un certain nombre de sujets.

On aurait donc tout intérêt, au-delà des principes qui sont les nôtres, à ce que les femmes aient une autre place dans la démocratie française.

Je vous garantis une chose : si j’étais élu Président de la République, je nommerais une femme comme Premier Ministre. La parité ne doit pas concerner uniquement les élections locales. Elle doit aussi s’appliquer au sommet de l’Etat, aux plus hauts niveaux de responsabilité au sein du couple exécutif.

S’agissant des élections, je me permets de vous faire observer que pour nous qui défendons le scrutin proportionnel, c'est tout de même le meilleur moyen de parvenir à la parité. Lorsque nous défendons la proportionnelle pour assurer la représentation des diversités politiques, c'est le mode de scrutin qui le permet.

J'ai encore le souvenir de la réunion commune du Bundestag et de l’Assemblée Nationale française, pour le quarantième anniversaire du Traité d'amitié Franco-Allemand. Nous avions une Assemblée Nationale faite d’hommes de plus de 50 ans, alors que le Parlement allemand était fait de la diversité de la société allemande, avec une jeunesse incomparable à celle que nous connaissons.

Enfin un troisième moyen d'y parvenir c’est le cumul des mandats qui empêche l'entrée des femmes en politique au niveau national.

Si vous voulez faire en sorte que les femmes trouvent dans un scrutin majoritaire une place suffisante, il faut supprimer le cumul des mandats. Il y a bien d'autres raisons de le supprimer mais celle-là est déjà bien suffisante.

Enfin, je vous le dis, c'est un engagement que je prends en tant que Président du Nouveau Centre, nous assurerons la parité au moment des élections législatives. Je m’y engage, nous investirons autant de femmes que d’hommes lors des prochaines élections législatives.

Un dernier point enfin. La démocratie est politique mais aussi sociale c’est pourquoi il faut également que nous intégrions dans notre dispositif législatif les mêmes dispositions pour l'ensemble des élections professionnelles et syndicales. Il n'y a aucune raison que nos syndicats n'abordent pas la question sous le même angle. La parité est également nécessaire dans les organisations professionnelles et dans les organisations syndicales car aujourd’hui on est loin de faire de la parité le sujet essentiel des conventions collectives.

Démocratie politique, démocratie sociale…, sur tous ces sujets, Les CENTRISTES doit être le fer de lance d'un principe simple : la France doit être en capacité d'arriver à faire ce que tous les autres pays européens ont fait depuis bien longtemps.

III - LA SITUATION DES FEMMES DANS LE MONDE DU TRAVAIL

Mesdames et Messieurs,

J’aimerais maintenant évoquer avec vous la question de la situation des femmes dans le monde du travail.

Je vous dis clairement sur ce sujet, nous devons être contraignants voire même appliquer des sanctions.

Ainsi, je suis favorable à ce que l’on impose aux entreprises d’établir un rapport sur la situation comparée entre les hommes et les femmes et ce, dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés, c’est-à-dire à partir du moment il y a un Comité d’Entreprise. Et pourquoi pas même, le mettre en place dans toutes les entreprises de plus de 11 salariés, dès l’instant où il doit y avoir une représentation syndicale.

Néanmoins, il ne suffit pas de faire ce rapport sur la situation comparée, encore faut-il en tirer des conséquences. Cela me désole d’être obligé de le dire mais je pense qu’il faut très clairement considérer que cette question doit se régler sous forme de sanctions ou d'incitations.

J'ajoute que la question de l’égalité professionnelle se pose au sein de l'entreprise mais d’abord aussi au sein de l'école. J'ai visité le Salon de l'Etudiant samedi matin. J'étais à un moment avec la Directrice Générale adjointe de L'Etudiant et je visitais les stands des Ecoles d'Ingénieurs, tenus par des élèves Ingénieurs. Après un certain temps, j’ai fait remarquer qu’il n'y avait quasiment aucune jeune femme. Ceci est simplement lié à une problématique simple : celle de l'orientation. C'est la même problématique que pour les Français héritiers de l'immigration ou issus de familles défavorisées ou modestes. Je suis désolé de le dire mais notre système d’orientation actuel nous renvoie simplement à la question : « Dites-moi d'où vous venez et quel est le statut social de votre famille, je vous dirai quelles études vous pourrez faire ».

Les femmes connaissent les mêmes obstacles. Selon moi, rien ne justifie qu’une majorité de jeunes femmes qui passent un Bac S sont naturellement amenées à se retrouver en Droit ou en Faculté de Lettres… C'est bien la preuve que nous avons un système d'orientation dans lequel nous vivons sur des préjugés. Encore récemment, un grand mathématicien français m'expliquait à quel point les mathématiques et la recherche fondamentale en mathématiques ne pouvaient qu'être une affaire masculine. On avait probablement affaire à l’une des plus grandes intelligences du monde universitaire français, ayant été reconnue par tous ses pairs dans le monde entier, qui nous expliquait pourquoi les grands mathématiciens étaient forcément des hommes.

Cette anecdote est juste un détail mais cela prouve que nous avons besoin de construire un système éducatif dans lequel l'orientation soit revue de fond en comble.

IV – LA QUESTION DES FAMILLES MONOPARENTALES

Mesdames et Messieurs,

J'ajouterai une chose que nous n’avons pas abordée au cours de notre convention. C’est la question des familles monoparentales. C'est un poids pour l'homme mais plus encore pour la femme car c'est le plus souvent elle qui a la garde des enfants.

D’ailleurs sur ce sujet, j'aimerais que le principe d'égalité s'applique au moment des jugements de divorce, dans les deux sens. Il n'y a pas de raison que l'on considère que par nature, la garde des enfants doit être confiée aux femmes. Cela ne nécessite probablement pas une disposition législative mais j'aimerais que dans les moments de rupture familiale comme celui du divorce, l'on considère que l'égalité s'applique dans les deux sens.

Par ailleurs, j’ajouterai une chose sur les conditions de travail. Nous évoquions en effet les réunions après 18 heures et le fait que notre organisation sociale et professionnelle ne favorise pas les parcours professionnels des femmes. Je pense que ce sujet changera, à cause ou grâce aux familles monoparentales car les hommes seront progressivement confrontés aux mêmes problèmes que les femmes, au moins au titre de la garde alternée. Là où ils sont encore en situation d'imposer les rythmes de travail, ils seront un jour amenés à tirer les mêmes conséquences que celles qu'ont tirées les femmes depuis bien longtemps. Je souhaite bien entendu que les entreprises intègrent des modalités de travail et d'organisation qui permettent aux femmes de pouvoir s'épanouir professionnellement et je pense que la déstructuration et la décomposition du modèle familial nous feront probablement avancer assez rapidement.

Enfin, je voudrais évoquer un dernier sujet concernant les familles monoparentales qui est la question du logement. C'est l’une des priorités absolues d'un futur gouvernement. Il manque un million de logements en France, d'où les prix ahurissants des logements, qui font que l'on est en train d’empêcher de vivre dans le centre des villes et que l'on met une pression colossale sur la question du pouvoir d'achat. Lorsque l’on sait que l'on consacrait 15 % de son revenu au logement il y a moins de 30 ans et que l'on y consacre aujourd'hui près de 30 %, quand on parle du pouvoir d'achat, l'une des priorités absolues est de construire.

Nous n’avons pas assez construit en France ou bien, et je suis désolé de vous le dire, nous avons mal construit. A travers les dispositifs ROBIEN, PERISSOL, BORLOO, etc., on consacre 30 000 € au logement, souvent dans des régions dans lesquelles on n’en a pas besoin, alors que l’Etat consacre aujourd'hui 3 000 € à un logement social. Mais, mes chers amis, le logement social ne s'adresse pas uniquement aux milieux défavorisés et aux cas sociaux mais à 60 % des familles françaises et d’abord et avant tout aux familles monoparentales.

Lorsque l’on veut aborder la question des femmes en situation monoparentale et devant trouver un logement, cela impose tout d'abord d'inverser la politique de logement en France et de faire en sorte que l'Etat consacre le maximum de moyens au logement social et un peu moins au logement privé, qui a été construit en dépit du bon sens depuis 20 ans en France, ce qui condamne dans bien des régions des logements, des immeubles et des résidences entières à être plus noirs le soir que des logements ou des résidences à Palavas-les-Flots au mois de novembre.

Ceci nous impose d'inverser totalement la politique de logement et de porter l'essentiel de l'effort de la nation sur le logement social et sur le logement intermédiaire, notamment à l'adresse des femmes qui se trouvent seules à élever leurs enfants.

Le dernier sujet que je veux aborder est la question des structures d'accueil. Il faut en effet des structures d'accueil suffisantes mais il faut également et là encore faire confiance au système associatif, faire confiance aux Français, aux organisations sociales, aux corps intermédiaires et considérer, comme on peut le faire dans les pays scandinaves, que les structures parentales doivent être autorisées et favorisées pour permettre d'accueillir notamment les enfants élevés par des familles en horaires décalés ou atypiques. Savez-vous combien il y a en France de crèches ou de structures d'accueil périscolaire pour les enfants dont les parents sont en horaires décalés ? Il y en a une seule à Chanteloup-les-Vignes, qui était sur le point de fermer.

Nous avons besoin de laisser libre cours à l'inventivité de nos compatriotes pour créer toutes les formes possibles sans leur imposer de normes infernales. Comme pour les logements sociaux nous avons imposé aux collectivités locales un quota de 20 %, je pense qu’il faut faire en sorte que la loi prévoie un système impératif pour que nous ayons en France des structures d'accueil pour enfants en nombre suffisant.

Pardonnez-moi de vous le dire, de nombreuses communes ont beaucoup investi dans l'enfouissement des réseaux, les trottoirs, les places magnifiques… Moi le premier. Je l'ai également fait pour les structures d'accueil, je n'ai donc rien à me reprocher mais je préférerais que l'on mette un peu plus d'argent dans les structures d'accueil pour nos enfants, avant trois ans ou en périscolaire, plutôt que dans des enfouissements de réseaux. En termes de priorité nationale, celle-ci me semble devoir supplanter la seconde.

Mesdames et Messieurs,

Avant de conclure, je voudrais revenir sur une question révoltante abordée cet après-midi lors de nos débats. Il s’agit des violences faites aux femmes. On rappelait tout à l'heure ces chiffres terribles : une femme meurt tous les trois jours de violences. C'est absolument abominable et cela devrait être le scandale de la République. Il y a 75 000 viols par an. Cela devrait être porté par la République comme une priorité absolue.

De nombreuses propositions sont sur la table. Il suffit sur ce sujet de mettre en œuvre les rapports existants, rendus à de nombreuses reprises. On peut parler par exemple du travail de Valérie LETARD sur le sujet. Il faut simplement en faire une priorité absolue de la nation.

Mesdames et Messieurs,

En conclusion, je veux vous dire que ce sujet est le nôtre. Nous sommes les seuls à porter l’idée d’une société de la reconnaissance que j'évoquais tout à l'heure. Mais c’est aussi le nôtre car, pour moi qui ai voté pour Valéry GISCARD D'ESTAING en 1981, je vous le dis, c'est l'Union pour la Démocratie Française qui a probablement le plus fait pour les femmes durant les trente dernières années. Quels que soient les sujets, qu’il s'agisse de la loi sur l'IVG, du remboursement des moyens de contraception ou de tout autre sujet, c’est souvent notre famille politique qui a été à la pointe de ce combat. Par conséquent, en 2012, il nous appartient à nous aussi d'être en première ligne pour le combat des femmes.

Je vous remercie.

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