16.03.2016

Congrès de Vendôme : discours d'Hervé Morin

Congrès du Nouveau Centre - Vendôme - Samedi 5 mars 2016 - Discours d’Hervé MORIN, Président du Nouveau Centre

Mes chers amis,

L’essentiel, pour ne pas dire la totalité, des leaders de la maison centriste est ici présent avec nous. Je les en remercie chaleureusement en notre nom à tous. Merci à Laurent (Hénart) de ce très beau discours, si juste et si profond, à notre ami Louis (Giscard d’Estaing) avec lequel nous essayons depuis plusieurs mois de bâtir une architecture programmatique, à Jean (Arthuis) dont comme chaque fois la pertinence d’analyse nous a montré à quel point nous avons besoin de lui dans l’expression politique de la maison centriste.

Je voudrais pour finir remercier Marc Fesneau. J’ai eu François Bayrou au téléphone la semaine dernière et je lui ai dit notre souhait de la présence de Marc, non seulement parce qu’il est élu du Loir-et-Cher mais parce que je pense que nous avons quelque chose à construire dans l’avenir avec le Modem. Je suis donc très heureux que le numéro 2 du Modem soit ici avec nous.

Merci à Pascal (Brindeau) et à Maurice (Leroy). Merci Pascal pour ton accueil dans cette ville de Vendôme. Merci Momo pour la sincérité de tes propos, et j’allais dire pour ton affectivité qui est l’une de tes marques de fabrique. Tu es très émotif en vérité et c’est un élément que nous partageons.

Mes chers amis, nous avons écrit une motion à partir du débat que nous avons eu hier soir avec les cadres du Nouveau Centre. Je voudrais vous faire partager un certain nombre de choses assez simples issues de ce débat d’hier soir et de la motion qui vous est proposée aujourd’hui.

Tout d’abord, trois points de contexte pour votre réflexion :

Nous sommes dans un contexte dans lequel la démocratie est en danger et donc à refonder. On évoque beaucoup l’uberisation de la société. Et bien, je n’ai aucun doute qu’à un moment ou un autre, la démocratie représentative ne sera plus considérée comme la seule expression possible, et qu’il y aura, à travers le digital et le numérique, de nouvelles constructions démocratiques. Cela doit faire partie, mon cher Alain (Dolium) des sujets que nous devons être en capacité d’aborder. Je n’ai pas la réponse, mais, ce que je sais, est que la démocratie exigera d’avoir des modalités de liens plus directs avec les habitants.

La France est en difficulté. Pas besoin d’en dire plus sur le constat. Il suffit d’avoir le fil d’actualité quotidien pour comprendre à quel point la France est en très grande difficulté, non seulement sur les chiffres de la croissance, non seulement sur les chiffres du chômage mais aussi parce qu’elle n’a plus d’espérance. Au-delà des simples statistiques du chômage, je suis très frappé par le nombre d’hommes et de femmes qui sont en grand danger personnel tellement ils sont éloignés de l’emploi.

Jean l’a évoqué d’une manière admirable. L’Europe est en lambeaux. Le projet européen n’a plus d’élan. Pourquoi cela marchait-il avant ? Parce qu’il y avait toujours un élan, une phase d’après. Or, l’Europe est devenue une Europe intergouvernementale. Je l’ai vécu quand j’étais au gouvernement. C’est une Europe qui se construit par accords successifs entre Etats membres et dans laquelle  les institutions européennes ont perdu de leur puissance. Où est la Commission européenne de Jacques Delors ? Et donc nous avons une Europe à réécrire purement et simplement. Tous les jours, l’Europe désespère, tous les jours, l’Europe est désespérante. Il est normal  que les Français deviennent europhobes. Parce que l’Europe qu’on leur présente est une Europe dont personne ne veut, telle qu’elle s’exprime, telle qu’elle agit chaque jour. Elle est incapable de réagir, incapable de proposer des solutions communes, incapable de porter un message européen.

Prenons, sur ce sujet européen, l’exemple des questions de défense : ce qui se passe au sud de la Méditerranée est un sujet qui nous concerne directement. C’est la question tout simplement de notre sécurité, il faut en avoir conscience. Et bien à aucun moment il n’y a eu le début d’un commencement d’une réponse européenne. Et quand hier à Amiens, François Hollande et David Cameron évoquent une avancée à travers le drone, le drone européen, il s’agit en réalité d’un drone franco-britannique. Ce qui prouve qu’à aucun moment l’Europe ne cherche à porter des sujets collectivement. Les discours qu’on a entendus ce matin sont en revanche le témoignage de notre intérêt à la cause européenne et vous savez tous que si vous alliez à un meeting des Républicains, vous n’auriez pas eu ce type de discours. Donc, restons européens et battons-nous pour améliorer l’Europe.

Je voudrais à présent vous faire part de deux ou trois exigences.

La première : l’exigence d’un programme.

Nous avons l’exigence absolue de bâtir dans les mois qui viennent un certain nombre d’arêtes programmatiques. Il ne s’agit pas de faire la déclaration de politique générale de juin 2017, mais d’avoir quelques éléments très clairement identifiés du programme et du projet des centristes. Sonia (de la Provoté) disait « allons-nous parler de l’école ? », sujet central de la société française ; je dis aussi « allons-nous parler des nouveaux mécanismes de solidarité ? », et je suis pour ma part très favorable au revenu universel qui commence à faire son chemin en Europe

Travaillons aussi sur la méthode. Comment propose-t-on la libéralisation de l’économie sans heurter de front nos compatriotes, sans leur proposer un schéma qu’ils n’accepteraient pas parce que la France est la France et n’est pas les Etats-Unis. Quel projet européen allons-nous porter autour d’un noyau dur, le noyau de la zone euro sans aucun doute ?

Il y a donc cette exigence de programme et je le dis au Président de l’UDI. La présidence d’une grande collectivité me donne une immense liberté politique pour tracer avec vous le chemin qui sera le nôtre pour 2017. Depuis 15 mois, le programme de l’UDI a un nom : la « page blanche ». Nous n’avons été que sur des postures, sur des coups de menton alors que nous aurions dû au contraire tracer une voie, affirmer un positionnement politique.

On a tous vécu 2002. Pendant un an, lorsque j’étais Président du groupe parlementaire, les journalistes me demandaient à quoi nous servions. En quelques mois, nous avons su démontrer que nous servions à quelque chose. Nous avons réussi à démontrer qu’être centriste était différent qu’être UMP. Nous tenions une architecture idéologique que nous défendions matin, midi et soir, en étant constamment positionnés sur un même cap, une même ambition. La proposition que je vous fais aujourd’hui est de rédiger très vite un programme afin de pouvoir dire précisément ce que nous voulons pour la France.

Deuxième exigence : l’exigence de la lucidité.

A-t-on vocation à participer aux primaires ? Oui, Mesdames et Messieurs, nous avons vocation à participer aux primaires dès lors que nous avons vocation à être dans la majorité de demain. Est-ce que nous avons vocation à participer aux primaires quelle qu’en soit la construction ? Je dis très clairement, non.

Et je dis, Jean (Dionis), que ce n’est pas nous affaiblir que de dire que participer aux primaires c’est s’engager dans le pacte de majorité de 2017. Celui-ci nous impose de bâtir avec les Républicains un accord dans lequel devront être présents un certain nombre de nos valeurs et de nos priorités, telles que l’école, la construction européenne, la refonte de notre économie. Bâtir un pacte dans lequel, très clairement, les centristes ne se limitent à être les strapontins d’une majorité. Je le dis devant Les CENTRISTES, mais je pourrais le dire devant le Parti Radical : ce dont nous avons souffert en 2007 est d’avoir été des strapontins. Si nous n’avons pas pu défendre les propositions d’Yvan Lachaud et de Charles de Courson en matière de sécurité ou de finances publiques au Parlement, c’est parce qu’à aucun moment l’UMP n’avait besoin de nous pour que les lois soient votées.

Le risque est donc que si nous partons dans ces primaires au nom de l’UDI pour finalement faire un score très faible, nous ne soyons pas de vrais acteurs de la construction de la majorité de demain. Nous aurons défendu nos idées pendant quelques semaines, c’est vrai ; mais si, au bout du compte, le résultat est qu’après 2017, nous redevenons l’aneth du saumon fumé ou le condiment sur l’assiette de charcuterie, qu’aurons-nous gagné dans cette histoire sinon le fait d’avoir une nouvelle fois raté ce rendez-vous capital qui est celui de donner un espoir au pays et d’être en capacité de peser réellement sur les choix du gouvernement et du prochain Président de la République.

Et donc je demande simplement qu’on ait cette exigence de lucidité. Ce qui veut dire que, oui il peut y avoir des candidatures, mais que si c’est le cas, ce seront des candidatures d’hommes et de femmes, certes issus de la famille centriste mais en aucun cas représentant officiellement le parti centriste. Ces candidats le seront pour eux-mêmes, pour leur personnalité et leur projet, et certainement pas au nom de leur famille politique.

Troisième exigence : l’exigence de la rénovation. La plus importante à mon sens.

En vérité, l’opinion française est désormais divisée en trois. Nous ne représentons aujourd’hui que 30%, droite et centre confondus. Par ailleurs, au sein des familles politiques traditionnelles, nous avons des fractures qui ne sont plus les fractures idéologiques droite/gauche habituelles ; elles sont souvent plutôt horizontales au sein même des partis politiques. On voit bien que quand Manuel Valls évoque deux gauches irréconciliables on aborde un sujet de fond. Le Parti socialiste, au moins pour partie, est en train de devenir social-démocrate.

A partir de là, nous devons, nous, être les porte-parole de plusieurs messages.

Le premier est de dire à celui qui sera Président de la République en 2017 qu’il y aura probablement, compte-tenu d’un 2nd tour de l’élection présidentielle avec le Front National, la possibilité qu’émerge le lundi suivant l’élection un grand parti central de la modernité et de la rénovation. Ce qui a été raté en 2002 et à peine esquissé en 2008 avec la politique dite d’ouverture. Cela, cet esprit de rénovation, nous devons le porter matin, midi et soir. Pardon de vous dire, mais quelle différence y-a-t-il réellement entre Manuel Valls et Nicolas Sarkozy ? Même sur le comportement, ils sont presque les mêmes. Quelle différence y-a-t-il entre Emmanuel Macron et Jean Arthuis ? Pas grand-chose, il faut en convenir.

Vous voyez bien qu’on est en train de vivre la fin d’un cycle politique que seule la Vème République maintient la tête hors de l’eau. Le système est tellement bipolaire que toute personne qui ose passer de l’autre côté de la rive est fusillée dans la seconde. Mais en réalité, c’est ce message là qu’il faut faire passer. Il dépendra pour l’essentiel du chef de l’Etat élu en 2017 mais comme a priori nous  aurons participé à sa victoire, je l’espère, nous devons être en capacité d’insister, matin, midi et soir, sur l’expression de cette grande force de modernité, en capacité de réformer le pays.

Et puis au sein de la famille centriste, ayant participé aux primaires puis au même combat politique pour faire émerger une nouvelle alternance, nous devrons aussi être ouverts à l’idée de rassembler la totalité de la famille centriste. Je sais que pour nous, Nouveau Centre, quand je dis cela j’en fâche quelques-uns. Je me souviens de tout, rassurez-vous, mais s’il fallait être rancunier, on ne parlerait plus à personne en politique. En 2017, nous devons, je vous l’affirme, être en capacité, nous centristes, de bâtir quelque chose de suffisamment puissant et fort pour qu’enfin les militants de 2022 soient en capacité de se dire : nous avons un candidat capable de porter l’alternance pour les Français,  comme ton père, mon cher Louis, avait su le faire en 1974.

Voilà le message que je souhaitais vous faire passer. Oui aux primaires, mais pas dans n’importe quelles conditions. Exigence de lucidité et donc certainement pas un candidat représentant l’UDI au sein de ces primaires. S’il fallait que nous allions vers ce chemin-là, Les CENTRISTES reprendrait sa liberté.

Je vous remercie.

 

Seul le prononcé fait foi

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