14.09.2015

"Accueillir" par Jean-Léonce Dupont

Depuis quelques semaines, le flot croissant de réfugiés abordant notre continent en provenance notamment de Syrie provoque un désordre proche du chaos en Grèce et en Hongrie, bouscule l’Europe et interroge chacun de nos Etats quant aux formes de leur prise en charge.

Dans notre pays, de nombreuses initiatives publiques ou privées visent à organiser l’accueil de centaines puis sans doute de milliers voire de dizaines ou de centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants au fil des prochains mois et sans doute années.

Je ne me suis pas encore exprimé. Non pas naturellement que je sois insensible, en tant qu’homme et père, à la détresse de tous ceux qui se tournent vers nos pays où ils espèrent trouver une vie meilleure.

Mais je suis aussi élu et président d’un conseil départemental. Notre cœur de métier est la solidarité entre les territoires et entre les hommes qui y vivent. A ce titre la loi nous confie la charge des allocations individuelles de solidarité (APA, RSA, PCH) bien qu’elles relèvent clairement de la solidarité nationale et il nous revient de prendre soin des plus fragiles de nos familles, de nos anciens et de nos enfants par les politiques départementales que nous développons et les structures que nous construisons et gérons.

Nous faisons tout cela autant et aussi bien que nous le pouvons, avec les moyens dont nous disposons, en affrontant la baisse des dotations de l’Etat confirmée par le Gouvernement et son absence de compensation financière des charges croissantes qui pèsent sur les allocations de solidarité. Nos listes d’attente sont longues tant pour les familles qui attendent un logement de notre bailleur social, Calvados Habitat, que pour les personnes âgées ou handicapées qui souhaitent par exemple une place en EHPAD. Nous accueillons aux limites de nos possibilités matérielles et budgétaires les mineurs isolés étrangers qui nous sont confiés, qu’ils soient localisés sur le territoire du Calvados ou qu’ils viennent d’autres départements, adressés sans contrepartie par les services du ministère de la justice dans le cadre de la circulaire dite Taubira et de « quotas » déjà largement dépassés pour 2015. Demain, les réfugiés qui obtiendront le statut pourront alors demander le RSA, s’ils ont plus de 25 ans et sans condition de délai de résidence.

Dans ce contexte, je le dis clairement : nous, collectivité départementale, ne pouvons pas aujourd’hui faire plus sans une prise en charge complète et dans la durée par l’Etat.

C’est un langage de vérité et j’ai le sentiment que c’est aussi un discours de courage tant je sais par avance les critiques qui pleuvront, parfois venues de ceux mêmes qui savent pourtant parfaitement notre situation financière et matérielle.

Les réfugiés qui se tournent vers l’Europe ne cherchent pas d’entrée de jeu à venir en France mais privilégient l’Allemagne, l’Autriche ou certains pays nordiques pour y formuler leur demande d’asile. Sans doute n’ignorent-ils pas que notre situation économique et sociale est mauvaise et que certains de leurs concitoyens mènent depuis des mois une vie misérable et insalubre aux portes de nos villes.

Ceux qui aujourd’hui s’engagent à l’accueil des nouveaux arrivants acceptent par avance un travail et une charge au très long cours. Nombre de réfugiés ne repartiront pas mais le chemin de leur intégration sera difficile et incertain, de l’apprentissage de notre langue à l’acquisition de compétences via des parcours d’insertion forcément complexes.

Un accueil digne doit prévoir tout cela, faute de quoi nous ne proposerons que la misère au bout de la route. Soyons bien conscients de tout cela. Les collectivités qui s’engagent en supporteront de fait l’entièreté du coût réel.

On m’accusera d’oublier qu’il existe un droit d’asile pour celles et ceux qui fuient un pays en guerre et les persécutions qui vont avec. Je le sais. Mais c’est le devoir de l’Etat d’y répondre et d’assurer son effectivité. A lui de donner aux collectivités les moyens de l’accompagner dans le temps et non de manière symbolique comme il vient de l’annoncer et j’y engagerai alors mon département selon ses demandes et le soutien fourni à cette fin. Aujourd’hui, je crois plus humain et responsable de dire la vérité sur mon incapacité d’un accueil à moyens constants que de mentir pour être dans le moule du « politiquement correct » du moment.

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